Le Fonds monétaire international a entrevu lundi des temps propices pour l'économie mondiale, pourvu que l'offre de pétrole se maintienne à un niveau satisfaisant.

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Dans ses «Perspectives économiques mondiales» semestrielles, l'institution a dressé un tableau plutôt encourageant: la croissance mondiale devrait se maintenir cette année (4,4%) à des niveaux proches de ceux de l'année dernière (5%), et le secteur financier va de mieux en mieux.

«Les perspectives économiques pour 2011-2012 sont bonnes, en dépit de la volatilité à nouveau causée par les craintes de perturbations de l'offre de pétrole», a expliqué le Fonds.

Malgré un début d'année agité pour ce marché, le FMI ne croit pas à un choc pétrolier. Son hypothèse principale repose sur un baril à 107 dollars en moyenne en 2011, soit un niveau gérable pour les grands importateurs.

«Nous ne voyons pas d'effets importants que ce soit sur la croissance ou l'inflation», a indiqué l'économiste en chef du Fonds, Olivier Blanchard, lors d'une conférence de presse à Washington.

Mais «les perspectives du marché du pétrole restent fort incertaines, les perceptions des risques géopolitiques pour l'offre pouvant être instables», ont prévenu les auteurs du rapport.

Une actualité chargée depuis les dernières prévisions de janvier n'a pas modifié la toile de fond: une croissance à «deux vitesses», rapide dans les pays émergents et en développement (6,5% prévus), plus lente dans les pays développés (2,4%).

«Mon point de vue personnel, c'est qu'il n'y a pas de risque majeur à ce stade dans l'économie mondiale, comme il pouvait y en avoir il y a un an ou deux, mais qu'il y a des raisons de s'inquiéter», a souligné M. Blanchard.

Le FMI a noté les incertitudes suscitées par le séisme du 11 mars au Japon, et l'agitation politique dans plusieurs pays arabes.

Les efforts très insuffisants des États unis pour réduire leur déficit budgétaire et la difficulté de la zone euro à rétablir en même temps finances publiques et bilan des banques sont des problèmes persistants.

La pénurie d'emplois en est un autre. «La croissance n'est pas suffisamment forte pour entamer profondément des taux de chômage élevés. Quelque 205 millions de personnes recherchent encore un emploi, soit 30 millions de plus dans le monde qu'en 2007», a rappelé le Fonds.

Or «le fardeau de plus en plus lourd du chômage supporté par les jeunes génère des risques pour la cohésion sociale», a-t-il rappelé alors que les révoltes se poursuivent dans le monde arabe.

Enfin, l'inflation prend un tour de plus en plus préoccupant.

Dans l'immédiat, a relevé le Fonds, le problème économique le plus urgent pour de nombreux pays de la planète réside dans «les fortes hausses des prix de l'alimentation, qui entraînent d'autres difficultés sociales».

Or «les troubles sociaux au Proche et Moyen-Orient et en Afrique du Nord pourraient mettre encore plus de pression sur les prix de l'alimentation si les gouvernements des grands importateurs de céréales dans la région et au-delà augmentent leurs achats», a prévenu le FMI.

Un message particulier a été adressé aux économies émergentes, Chine et Inde en tête, qui «doivent se protéger contre la surchauffe et l'explosion du crédit».

Les deux pays les plus peuplés de la planète continuent d'afficher des taux de croissance exceptionnels, qui devraient atteindre respectivement 9,6% et 8,2% en 2011.

«Nous avertissons les pays émergents qu'ils arrivent à un point où les choses vont peut-être trop bien. Et je pense qu'il y a une longue histoire de pays attendant trop longtemps pour agir face à cela», a prévenu l'économiste en chef du FMI.

Zone euro: la situation des banques inquiète

Le Fonds monétaire international a pressé lundi les Européens de remédier aux «faiblesses persistantes» de leurs banques, car elles risquent de peser sur la reprise de la zone euro, toujours en proie à la crise de la dette avec un plan d'aide en préparation pour le Portugal.

Il a relevé de 0,1 point ses prévisions de croissance pour la zone euro, à 1,6% pour cette année et 1,8% pour 2012, dans son rapport de printemps.

Mais si la reprise «gagne de l'élan», elle reste «graduelle et déséquilibrée», note-t-il. «En dépit de progrès considérables, les marchés restent appréhensifs quant aux perspectives des pays mis sous pression.»

Globalement, le FMI salue les réponses européennes à la crise: conception de mécanismes de sauvetage pour les pays en difficulté, consolidation budgétaire, efforts de coordination économique...

«Des pas importants ont déjà été faits», reconnaît-il, «mais d'autres pas audacieux sont nécessaires pour garantir la viabilité des finances publiques, résoudre les problèmes du secteur bancaire, réformer le cadre politique de l'UE et raviver la croissance.»

«Il faut rétablir la confiance dans les banques de la zone euro en procédant à des tests de résistance ambitieux et en appliquant des programmes de restructuration et de recapitalisation», écrit le Fonds.

Il pointe «les faiblesses persistantes parmi les institutions financières de beaucoup d'économies de la région et un manque de transparence sur leurs expositions», et prévient que «les tensions qui continuent dans les pays les plus vulnérables de la zone euro et les banques représentent une menace significative pour la stabilité financière et la croissance».

Les difficultés des banques sont en grande partie à l'origine de la crise de la dette, qui a obligé plusieurs pays dit «périphériques», considérés par les marchés comme des maillons faibles de la zone euro, à demander une aide extérieure: la Grèce et l'Irlande en 2010, puis le Portugal la semaine passée.

Les Européens avaient déjà réalisé l'an dernier des «tests de résistance» à grande échelle sur leur secteur bancaire. Mais ceux-ci ont été décrédibilisés pour avoir donné un satisfecit aux banques irlandaises.

La nouvelle autorité européenne de supervision bancaire (EBA) a donc annoncé vendredi les modalités d'une nouvelle série de tests, plus stricts.

«De nouveaux tests de résistance plus réalistes, complets et transparents augmenteront la clarté. Mais ils ne seront efficaces qu'intégrés dans des stratégies nationales coordonnées pour s'occuper des institutions vulnérables», souligne le FMI.

Il juge «critique de réduire l'incertitude sur la qualité des actifs (détenus par les banques), d'augmenter les réserves de capitaux des banques viables, et identifier et liquider les banques faibles», jugeant que «de ce point de vue, certaines économies (par exemple l'Espagne) ont fait plus de progrès que d'autres».

L'Espagne, soucieuse de ne pas être le prochain «domino» à tomber sous les attaques des marchés, a accentué ces derniers mois l'assainissement de son secteur bancaire, et notamment de ses caisses d'épargnes jugées particulièrement vulnérables.

À l'instar de la réduction des déficits, de la dette et des écarts de compétitivité, l'assainissement des banques s'annonce comme un chantier majeur pour la zone euro si elle veut surmonter la crise, aux yeux de l'institution de Washington.

«À moyen terme, le risque principal reste que des déséquilibres budgétaires et de compétitivité profondément enracinés dans les économies périphériques et une action incomplète pour répondre aux vulnérabilités du secteur bancaire dans beaucoup d'économies de la zone euro conduisent à une longue période de croissance lente», avertit le FMI.

Photo Reuters

Chine: réévaluer le yuan et juguler l'inflation

La Chine devra faire des efforts pour restructurer son économie en accordant une plus grande part à la consommation, de façon à juguler une inflation toujours en hausse, estime le FMI qui réitère également son appel à laisser s'apprécier le yuan, largement sous-évalué.

«En Chine, les pressions sur les prix, qui ont commencé par un petit nombre de produits alimentaires, se sont étendues à d'autres dépenses, dont le logement, et l'inflation devrait atteindre 5% cette année», prédit le FMI dans ses dernières prévisions économiques mondiales.

Ce chiffre de 5%, nettement au-dessus des 3,3% de hausse des prix à la consommation enregistrés l'an dernier et supérieur à l'objectif de 4% du gouvernement, reste toutefois en deçà de la moyenne de 6% que le FMI projette pour l'ensemble de l'Asie en développement.

Le Fonds projette une croissance du Produit intérieur brut (PIB) chinois de 9,6% cette année et de 9,5% l'an prochain, contre 10,3% l'an dernier, avec «une demande moins publique et davantage privée comme moteur de la croissance».

En 2010 a pris fin un plan de relance de l'économie de 4000 milliards de yuans pour des travaux d'infrastructures, accompagné d'une forte expansion du crédit, pour faire face à la crise financière de 2008.

En Chine comme dans le reste de l'Asie, après une réduction des excédents par rapport au PIB entre 2007 et 2010, les excédents «devraient croître à nouveau dans les années à venir» à cause d'une hausse de la demande externe et de la fin des aides budgétaires pour soutenir le marché intérieur, explique le Fonds.

«Pour les économies dans la région qui continuent à avoir des excédents importants, mais dont la réponse aux flux entrants de capitaux a été une accumulation continue de réserves (de change), la politique à suivre est claire -- il faut un taux de change plus flexible», souligne le rapport en visant clairement la Chine.

La banque centrale chinoise possède les réserves de change les plus importantes du monde, qui s'élèvaient à 2869 milliards de dollars fin 2010. Elle les accumule en recevant les devises gagnées par les entreprises exportatrices chinoises, auxquelles elle verse en échange des yuans, ce qui a pour effet de gonfler la quantité de yuans en circulation, alimentant l'inflation.

L'appréciation du yuan, réclamée avec insistance par les partenaires commerciaux de la Chine, rendrait les importations moins chères et limiterait l'inflation.

«La monnaie chinoise paraît encore substantiellement plus faible que ce que voudraient les fondamentaux du pays à moyen terme», selon le Fonds.

Le FMI souligne enfin la nécessité de réformes structurelles pour que l'économie chinoise soit davantage tirée par la consommation et la demande intérieure que par l'investissement et les exportations.

«La poursuite des réformes pour augmenter la consommation dans des économies comme la Chine -- dont les efforts pour étendre les couvertures retraite et maladie et pour développer le secteur financier -- seront des éléments clés d'un rééquilibrage mondial», conclut le rapport.

Photo Associated Press

Amérique latine: risque de surchauffe

Le Fonds monétaire international (FMI) a revu lundi à la hausse ses prévisions de croissance pour l'Amérique latine et les Caraïbes, à 4,7% (contre 4,3%), et mis en garde contre un risque de surchauffe «significatif» des économies de cette région émergente.

«La forte demande de la Chine et l'augmentation continue des prix des matières premières soutiennent» la croissance dans cette région qui dépend de ses exportations agricoles et énergétiques, a estimé le FMI.

En 2012, la croissance de l'Amérique latine et des Caraïbes atteindra les 4,25%, selon les prévisions économiques semestrielles de l'organisme international (le PIB régional avait augmenté de 6,1% en 2010).

Le Mexique, le pays le plus touché de la zone par la crise économique et financière de 2008 en raison de sa dépendance vis-à-vis des États-Unis, se remettra (4,6% en 2011, 4% en 2012), et le Brésil, la puissance régionale, continuera sur sa lancée vertueuse (4,5% en 2011, 4,1% en 2012).

«En raison de l'importance systémique du Brésil dans la région, de nombreux pays voisins jouissent d'une forte croissance. Inversement, une chute inattendue de l'activité économique au Brésil pourrait avoir des effets opposés», souligne le FMI.

En 2011, le PIB du Pérou, important pays minier, va augmenter de 7,5%, celui de l'Argentine de 6% et celui du Chili de 5,9%.

Le FMI met toutefois en garde contre un risque inflationniste en Amérique du Sud et en Amérique centrale, alors que la situation semble maîtrisée au Mexique.

L'augmentation des investissements étrangers en Amérique latine et les Caraïbes, et l'entrée de capitaux sont par ailleurs des défis à relever pour le Brésil, ou la Colombie dont la croissance est prévue à 4,6% en 2011.

Dans ces pays, le crédit en termes réels est en augmentation de 10 à 20% par an, fait remarquer le FMI.

La croissance et l'amélioration des conditions de crédit doivent être contrôlées pour éviter une nouvelle crise, prévient l'organisme.



Photo: La Presse

Une vue de Rio de Janeiro Rio, au Brésil.

Moyen-Orient-Afrique du Nord : la révolte arabe met sous pression la croissance

La vague de contestation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA) a mis la pression sur la croissance dans plusieurs pays de la région, a averti lundi le Fonds monétaire international (FMI).

Le FMI a révisé à la baisse le taux de croissance dans la région à 4,1% en 2011, contre 4,6% prévu en janvier, date du début des révoltes arabes.

«L'extension de la contestation sociale, la hausse des primes de risque et l'augmentation des prix des marchandises à l'importation vont entraver les perspectives de croissance économique dans plusieurs pays de la région MENA», écrit le FMI dans son rapport «Perspectives de l'économie mondiale».

«Bien que des perspectives économiques à travers la région MENA soient diverses, une réévaluation en cours risque de faire monter les coûts d'emprunt», ajoute le rapport.

Les économies les plus touchées sont celles des pays importateurs de pétrole, notamment l'Égypte dont la croissance devrait baisser de 5,1% l'an dernier à 1% en 2011.

En octobre, le FMI avait indiqué que la croissance en Égypte, le pays arabe le plus peuplé, devrait être de 5,5% en 2011, avant la chute le 11 février sous la pression de la rue du président Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 1981.

Il en résulte «des perturbations, qui devraient être conjoncturelles, du tourisme, des flux des capitaux et des marchés financiers», selon le FMI.

La révolte en Égypte a été inspirée par le soulèvement en Tunisie dont le président Zine El Abidine Ben Ali a fui le pays à la mi-janvier après 23 ans au pouvoir.

La croissance économique en Tunisie a été révisée à la baisse à 1,3% en 2011, contre un taux de 4,8% prévu en octobre et 3,7% en 2010.

«Le déclin attendu dans le tourisme et des investissements étrangers directs a affecté d'autres secteurs économiques», indique le FMI, avertissant que la persistance des troubles pourrait aggraver la situation.

Mais les pays exportateurs de pétrole, notamment ceux du Golfe, vont poursuivre leur rapide croissance, et plus particulièrement le Qatar, riche en gaz naturel, et l'Arabie saoudite, poids lourd de l'OPEP.

Les perspectives s'y annoncent même meilleures avec des cours pétroliers battant leur plus haut niveau en plus de deux ans à 112 dollars le baril, soutenus par la guerre en Libye.

«La perturbation de la production de pétrole en Libye signifie que (...) la production d'autres membres de l'OPEP va augmenter en 2011», indique le FMI.

Au Qatar, le taux de croissance devrait augmenter à 20% cette année, contre 18,6% annoncé en octobre, et 16,3% en 2010, et ce grâce «au développement continu de la production de gaz naturel et aux énormes investissements» publics, selon le FMI.

La croissance de l'économie saoudienne, la plus importante du monde arabe, a été révisée à la hausse à 7,5% cette année, contre 4,5% prévu en octobre, «soutenue par un assez important investissement gouvernemental dans les infrastructures», écrit le FMI.

Le roi Abdallah d'Arabie saoudite a annoncé en mars un programme d'aides sociales sans précédent, avec des dépenses de près de 100 milliards de dollars, pour tenter de mettre le riche royaume pétrolier à l'abri des troubles.

En Iran, la croissance devrait temporairement stagner en 2011, «les subsides pour l'énergie et d'autres produits devant être supprimés progressivement, une réforme nécessaire qui rapportera des avantages à moyen terme».

La croissance devrait être de 9,6% en Irak, de 3,6% en Algérie et 3,3% aux Émirats arabes unis, de 5,3% au Koweït et 4,7% au Soudan.

Le FMI a revu à la baisse la croissance au Liban à 2,5%, contre 5% prévu en octobre, et 7,5% l'an dernier, et à 3,3% en Jordanie, contre 4,2% en octobre et 3,1% en 2010.



Photo AFP

Afrique subsaharienne: croissance soutenue en 2011 et 2012

L'Afrique subsaharienne enregistre de nouveau une «croissance vive et durable» avec une hausse du produit intérieur brut (PIB) attendue à 5,5% en 2011 et 5,9% en 2012, selon les nouvelles prévisions du Fonds monétaire international (FMI) publiées lundi.

Dans ses dernières prévisions en janvier, le FMI tablait déjà sur une croissance de 5,5% en 2011, mais estimait qu'elle atteindrait seulement 5,8% l'an prochain.

L'Afrique subsaharienne connaît désormais le deuxième plus fort rythme d'expansion après l'Asie, relève le FMI dans son dernier rapport sur les «perspectives économiques mondiales».

La reprise avait déjà été vigoureuse l'an dernier avec une croissance de 5% pour la zone. «La croissance de la demande interne est restée forte, le commerce et les prix des matières premières ont rebondi et les politiques publiques ont été accommodantes», souligne le FMI.

Les perspectives de croissance diffèrent toutefois selon les pays.

Les États les plus pauvres, comme le Ghana, le Kenya ou l'Éthiopie, devraient voir leur activité progresser fortement, grâce notamment à des investissements dans les infrastructures, selon le Fonds.

La hausse attendue des prix du pétrole en 2011 devrait par ailleurs soutenir la croissance des pays exportateurs d'or noir. Le FMI attend par exemple une hausse du PIB de 6,9% cette année au Nigeria, de 7,8% en Angola.

La reprise devrait s'avérer plus faible en Afrique du Sud, la première économie de la région avec une croissance attendue de 3,5% en 2011, «un rythme insuffisant pour compenser les importantes destructions d'emplois des deux dernières années».

Le FMI met toutefois en garde contre plusieurs risques, notamment un ralentissement de la croissance en Europe qui reste un important partenaire commercial pour les pays non exportateurs de pétrole.

Une hausse plus forte que prévu des prix des carburants et des prix alimentaires pourrait aussi affecter les pays importateurs de pétrole.

Un autre risque est politique, avertit le FMI, soulignant que les troubles en Côte d'Ivoire ont par exemple déjà réduit ses perspectives de croissance cette année.

Photo: Bloomberg

Une femme tient dans ses mains des billets zimbabwéens.