Étroit partenaire économique du Portugal, l'Espagne a voulu jeudi se démarquer de son voisin, contraint d'en appeler à l'aide internationale, en excluant tout risque de contagion en dépit de perspectives moroses en matière d'emploi et de croissance.

Toujours fragile malgré une politique de lutte contre les déficits publics, l'Espagne, quatrième économie de la zone euro, se retrouve une nouvelle fois, du fait de la crise portugaise, sous l'oeil des marchés, même si les inquiétudes sur sa solidité se sont apaisées ces derniers mois.

La ministre de l'Économie Elena Salgado s'est voulue rassurante en excluant tout effet de «contagion», au lendemain de l'annonce par le Portugal qu'il se résignait à demander une aide financière.

«Nous ne courons en ce moment aucun risque du fait que le Portugal a demandé une aide internationale», a affirmé Mme Salgado, insistant sur les «différences» entre les économies espagnole et portugaise.

«Nous sommes une économie beaucoup plus grande», «beaucoup plus diversifiée (...), nous faisons des réformes importantes à un rythme plus rapide que le Portugal», a expliqué la ministre espagnole, assurant que les marchés avaient entendu ce message.

A Bruxelles, un porte-parole de la Commission européenne a reconnu que l'Espagne faisait face «à des défis importants» mais que Madrid «remplissait ses engagements» en matière de réformes économiques.

De fait, les marchés semblaient plus sereins ces dernières semaines vis-à-vis de l'Espagne, comme en témoignait la détente sur le marché obligataire. Jeudi, le Trésor espagnol a émis pour 4,129 milliards d'euros d'obligations à trois ans, à un taux une nouvelle fois en légère baisse.

Autre indice, le différentiel avec le Bund allemand atteignait 179 points de base, contre 283 à son maximum le 30 novembre dernier.

«Nous pensons que la tendance à la contagion s'est affaiblie ces deux derniers mois et le marché semble avoir tiré une ligne de séparation entre l'Espagne et les trois économies périphériques plus petites», Grèce, Irlande et Portugal, estimait Ioannis Sokos, analyste chez BNP Paribas.

Précipitée dans la crise après l'éclatement de la bulle immobilière en 2008, l'Espagne a pris depuis le début 2010 une série de mesures destinées à réduire ses déficits publics et entrepris des réformes structurelles, avec une restructuration de son secteur bancaire et une réforme du marché du travail et des retraites.

Mais en dépit de ces mesures, l'Espagne continue à afficher une fragilité qui n'augure pas d'une reprise rapide. Mercredi, le gouvernement a annoncé des prévisions économiques revues à la baisse pour les années à venir, avec une croissance moindre que prévu et un chômage plus élevé.

«Plusieurs indications montrent que la situation est différente», entre l'Espagne et le Portugal, «mais sur les perspectives à moyen terme l'Espagne reste une économie fragile, qui doit rééquilibrer fortement ses dépenses publiques», relevait jeudi Jesus Castillo, spécialiste de l'Europe du Sud chez Natixis.

«La question est de savoir comment l'Espagne va retrouver le chemin de la croissance, alors que l'on voit peu d'amélioration de l'emploi», ajoutait-il.

L'emploi reste le principal point noir de l'économie espagnole, avec à la fin 2010 un taux de chômage de 20,33%, un record parmi les pays industrialisés. Le gouvernement a revu mercredi à la hausse sa prévision pour 2011, à 19,8% de la population active contre 19,3% prévu.

Madrid a également annoncé des prévisions de croissance à la baisse pour 2012 et 2013, avec respectivement +2,3% et +2,4%, contre +2,5% et +2,7%.