Personne ne peut reprocher aux Russes de manquer d'ambitions. En plus de créer à partir de rien une industrie du ski en vue des Jeux olympiques de 2014 à Sotchi, dans le sud du pays, ils mènent de front un autre mégaprojet : la construction d'une capitale du jeu comme Las Vegas en pleine Sibérie.

Quinze casinos et 30 hôtels de luxe seront construits au cours des deux prochaines années dans le but d'attirer des milliers de visiteurs dans la république d'Altai, coin perdu près de la frontière de la Chine et du Kazakhstan.

Un premier hôtel doit ouvrir ses portes dès l'an prochain, selon Bloomberg Business Week. Mais, pour l'instant, il n'y a ni électricité ni route, et encore moins de moyens de communication modernes dans ce futur Las Vegas du Grand Nord. L'endroit choisi par le gouvernement de Vladimir Poutine est à quatre heures de route de l'aéroport le plus proche, lui-même perdu au milieu de nulle part.

Il y a donc encore du travail à faire avant que les riches, la mafia et les poules de luxe déambulent dans les salons de jeu, un verre à la main, comme dans la Sin City des États-Unis.

Il faut d'abord et avant tout trouver du financement. Les Russes espèrent attirer en Sibérie le roi du casino de Hong-Kong, Albert Yeung, et d'autres investisseurs étrangers aux poches profondes.

Mauvaise réputation

Ça s'annonce difficile, et pas seulement parce que la Sibérie, c'est loin. La Russie moderne n'a pas très bonne réputation chez les investisseurs internationaux, qui fuient la corruption et l'arbitraire qui ont cours dans le pays.

L'investissement étranger est en chute libre depuis trois ans, a récemment déploré le ministre russe des Finances, Alexei Kudrin. Même si l'économie russe a relativement bien traversé la récession et retrouvé un taux de croissance de 4 %, c'est encore insuffisant pour permettre à la Russie de rattraper son retard sur les pays développés, selon lui.

Le pays a besoin d'investissements étrangers pour l'aider dans ses projets. À Sotchi, pour les Jeux olympiques, le gouvernement veut construire cinq stations de ski, une bagatelle de 15 milliards de dollars.

Le coût exact pour aménager un Las Vegas sibérien n'est pas connu. Les chiffres qui circulent varient de 1 à 50 milliards de dollars !

Zones de jeu

Ce qui n'aide pas à attirer les investisseurs, c'est que les autres projets du même genre réalisés par le gouvernement russe ne sont pas ce qu'on peut appeler des réussites. En 2008, Vladimir Poutine a interdit le jeu de hasard partout sur le territoire à l'exception de quatre zones désignées, éloignées des grands centres. L'objectif est d'encourager le développement économique dans des régions défavorisées, selon le gouvernement, et non de mettre la main sur les recettes de l'industrie, comme on serait porté à le croire.

C'est une recette éprouvée. Après tout, Las Vegas a aussi été créé à partir de rien dans un désert inhospitalier.

Trois zones de jeu dans des régions éloignées ont déjà été créées depuis, à Kalingrad, près de la frontière polonaise, à Azov, sur le bord de la mer Noire, et la dernière près de Vladivostok, dans l'Est.

Ces trois zones de jeu n'ont pas encore réussi à attirer les touristes étrangers ni même les Russes eux-mêmes, ce que le gouvernement attribue à la déficience des infrastructures.

La Sibérie accueillera la quatrième zone de jeu, la plus isolée de toutes. C'est ce qui fera son charme, selon les autorités russes. En plus de jouer, les visiteurs pourront profiter de la nature sauvage.

Avis aux intéressés pour de prochaines vacances. Avec le smoking et la robe du soir, il faudra mettre des bottes de randonnée dans les valises.