Le Fonds monétaire international reste sourd à la colère des électeurs irlandais ou des manifestants grecs, et continue de prôner des recettes économiques inspirées par la réussite de l'Allemagne comme la rigueur salariale, au nom de la stabilité du système financier.

La semaine a été marquée en Grèce par une grève générale et de violents heurts entre police et manifestants mercredi, et en Irlande par le vote sanction contre le gouvernement sortant vendredi.

Pour autant, le FMI n'en démord pas: ces deux pays doivent suivre le programme économique d'austérité qui accompagne des prêts de 30 milliards et 22,5 milliards d'euros respectivement.

Vendredi, dans un entretien avec le magazine interne du FMI, le nouveau directeur du département Europe de l'institution, Antonio Borges, a loué l'exemple de l'Allemagne.

Il a rappelé la voie tracée: «un effort extraordinaire pour restaurer leur compétitivité», «la consolidation des finances publiques» et «renforcer le système financier, en particulier le système bancaire».

Le FMI désigne concrètement par ces termes l'arrêt de la progression des salaires, la réduction des dépenses de l'État, et la priorité au redressement des comptes des banques européennes sans demander de sacrifices à leurs créanciers.

Ces mêmes banques ont pourtant encouragé Grecs et Irlandais à s'endetter au-delà de leurs moyens, a reconnu M. Borges. «Un niveau élevé de dépenses a été financé par le biais d'emprunts à l'étranger, qui a bénéficié à certaines entreprises locales, mais ce n'était pas viable», a-t-il souligné.

Les performances passées de pays comme le Tigre celtique sont «presque une illusion de croissance économique», a-t-il jugé.

M. Borges est bien placé pour parler de ces prêts de banques étrangères à des pays comme la Grèce, qui n'arrive pas aujourd'hui à faire repartir l'activité, ou l'Irlande, qui paie les colossales erreurs des banques irlandaises dans la spéculation immobilière: de 2000 à 2008, ce Portugais était l'un des cadres dirigeants de la filiale londonienne de la banque d'affaires américaine Goldman Sachs.

En 2001, Goldman avait discrètement conclu avec la Grèce un accord qui allait faire scandale neuf ans plus tard.

Sous le couvert d'une transaction de produits dérivés de devises, Athènes avait reçu des liquidités immédiatement en cédant des recettes budgétaires futures. Le montage avait opportunément réduit la dette publique de la Grèce juste au moment où elle rejoignait la zone euro.

Rien n'indique que M. Borges ait participé à cette transaction, qui était conforme aux règles comptables européennes. Interrogé sur le parcours de M. Borges, un porte-parole du FMI a répondu qu'il était «publiquement connu qu'il avait passé huit ans chez Goldman Sachs».

Le dirigeant du FMI Europe fut aussi le collègue pendant huit ans, chez Goldman Sachs International, de l'homme d'affaires et homme politique irlandais Peter Sutherland, proche du Fine Gael.

Ce parti a remporté les élections législatives vendredi, écrasant le parti au pouvoir Fiana Fail, sanctionné pour n'avoir pas vu venir la bulle immobilière irlandaise.

En octobre, un blogue britannique révélait que Goldman Sachs faisait partie des créanciers d'une des banques nationalisées par l'Irlande, Allied Irish Banks.

Le parti catholique Sinn Féin, majoritaire chez les électeurs nord-irlandais, mais minoritaire en République d'Irlande, avait alors dénoncé la campagne de M. Sutherland auprès de la classe politique à Dublin pour protéger les intérêts des créanciers des banques irlandaises.

«Il a conseillé le gouvernement, d'une manière totalement désintéressée bien sûr, sur la façon de gérer la crise», ironisait ce parti ouvertement hostile au FMI.