La Chine est devenue officiellement lundi la deuxième économie mondiale devant le Japon, mais sa croissance dépend trop des investissements et des exportations tandis que son niveau de développement reste encore très loin de celui des pays riches, relèvent les analystes.

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L'événement était attendu. Après avoir doublé l'Allemagne en 2007, l'économie chinoise avait pris l'ascendant sur le Japon depuis le deuxième trimestre de l'an dernier.

Pour l'ensemble de 2010, le montant du Produit intérieur brut (PIB) publié par le Japon est inférieur d'environ 7% à celui annoncé le mois dernier par la Chine.

Au bout de trois décennies de réformes et de croissance effrénée, «il est tout à fait normal qu'un pays aussi peuplé que la Chine arrive aujourd'hui à concurrencer en termes absolus un pays comme le Japon», estime Jean-François Huchet, directeur du Centre d'études sur la Chine contemporaine de Hong Kong.

Il ajoute que l'anomalie, c'était «qu'au début des réformes en 1978, la Chine ne pesait que 0,4% du commerce international».

Pays le plus peuplé de la planète avec plus de 1,3 milliard d'habitants, la Chine a toutefois un revenu par tête qui reste dix fois inférieur à celui du Japon.

«Si la richesse de certaines zones approche celles des pays développés, d'autres régions connaissent encore les problèmes des pays en voie de développement», souligne M. Huchet qui ajoute que la Chine est très en retard sur le Japon si l'on prend en compte des facteurs de développement humain comme l'accès à l'éducation.

Le rang de deuxième économie de la planète derrière les États-Unis «est une étape symbolique. Personne n'avait pensé que les choses iraient aussi vite. La place de la Chine dans l'économie mondiale est telle que les autres pays doivent s'adapter à cette situation, d'autant que la Chine est différente, par son système politique mais aussi économique», souligne Chen Xingdong, économiste chez BNP Paribas à Pékin.

Les règles internationales, notamment à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ne s'imposent pas toujours à Pékin, relève cet analyste.

«Les entreprises chinoises, qui reçoivent leurs crédits des banques d'État, peuvent par exemple toutes être considérées comme directement ou indirectement subventionnées», selon M. Chen.

Le rôle de l'État reste en effet prédominant, que ce soit pour déterminer le taux de change de la monnaie, orienter les investissements et fixer la stratégie des grandes entreprises, dont la grande majorité lui appartient.

Alors que le gouvernement chinois dispose d'un trésor de guerre de plus de 2.800 milliards de dollars de réserves de change et que ses décisions pèsent comme jamais auparavant sur les économies des pays riches, il est confronté à toute une série de déséquilibres difficiles à corriger sur le plan intérieur.

«La croissance est actuellement essentiellement tirée par les investissements et les exportations, ce qui engendre parfois des surcapacités et de la spéculation», relève M. Huchet.

Le gouvernement est aussi aux prises avec une inflation qui s'accélère.

«Les tensions sociales sont beaucoup plus vives qu'il y a cinq ans», selon Andy Xie, un économiste indépendant basé à Shanghai.

D'après lui, la question n'est pas seulement que les bénéfices de la croissance sont inégalement répartis, mais aussi que la situation se dégrade pour certains comme «les 200 millions de migrants qui ont travaillé dur pour placer un peu d'économies à la banque dont la valeur diminue rapidement» à cause de l'inflation.

«N'oubliez pas que les Chinois sont des épargnants, pas des emprunteurs», souligne M. Xie.

«Les bons chiffres économiques sont une chose, mais l'essentiel est que le gouvernement laisse la population profiter de la croissance», estime aussi Zhang Haochuan, un économiste du centre de recherche sur le Japon de l'université Fudan à Shanghai.