La Banque centrale européenne (BCE) a maintenu jeudi pour le 22e mois consécutif son principal taux d'intérêt à 1%, malgré le ton préoccupé affiché par ses dirigeants ces dernières semaines sur l'inflation en hausse en zone euro.

Les déclarations récentes du président de l'institution monétaire de Francfort (ouest) Jean-Claude Trichet et de ses collègues avaient alerté les marchés, nourrissant les spéculations sur une hausse de ses taux.

Mais le statu quo devrait durer encore quelques mois, de l'avis unanime des économistes qui jugent la reprise économique encore trop fragile dans la région pour changer de cap, alors que la crise de la dette n'est pas finie.

«La croissance en zone euro ne va pas tarder à ralentir» en raison des politiques de restriction budgétaire des uns et des autres, prédit John Higgins de Capital Economics.

Dans ces conditions, «une politique monétaire resserrée va renforcer ce risque, notamment dans les économies les moins compétitives de la région, tandis que les exportations de l'Allemagne en pâtiraient par ricochet», estime-t-il.

M. Trichet, qui tient une conférence de presse à 8h30, à l'issue de la réunion mensuelle du conseil des gouverneurs de la BCE sur les taux, devrait toutefois conserver le «ton orthodoxe» dont il avait usé mi-janvier pour parler de l'inflation, jugent Jacques Cailloux et Nick Matthews de RBS.

M. Trichet avait alors signifié que la BCE, occupée à jouer les boucliers contre la crise depuis plus de deux ans, allait revenir à la mission première qui lui avait été confiée: assurer la stabilité des prix.

La poussée de l'inflation enregistrée en décembre (+2,2%) est directement responsable de cette sortie. La hausse de 2,4% des prix observée en janvier, soit bien au-delà de l'objectif de la BCE de la maintenir à un niveau légèrement inférieur à 2% à moyen terme, n'aura pas calmé les esprits.

Pourtant, les économistes n'estiment pas le niveau actuel de l'inflation préoccupant, d'autant qu'elle est liée à une hausse des prix de l'énergie et des matières premières, très volatils.

John Higgins s'attend d'ailleurs à une chute importante de ces prix en fin d'année.

Marco Valli, économiste chez UniCredit, interprète «la nouvelle attitude de M. Trichet» davantage comme «une tentative de réaffirmation de la crédibilité de la BCE».

«Il veut aussi commencer à préparer les marchés à une révision à la hausse de ses prévisions d'inflation en mars», estime-t-il. En janvier, la BCE avait annoncé tabler sur +1,5% en 2012, après +1,8% en 2011.

«Toutefois, la BCE sait aussi que les chiens qui aboient mais ne mordent jamais perdent de leur impact», note son confrère d'ING Carsten Brzeski, qui pense que la BCE bougera plus tôt qu'escompté.

Les spéculations sur une hausse des taux de la BCE ont en tout cas une répercussion sur l'euro qui a gagné depuis mi-janvier près de 8% par rapport au dollar.

La monnaie unique bénéficie aussi d'un apaisement des craintes sur les dettes souveraines, à la veille d'une rencontre des dirigeants européens qui vont tenter d'avancer dans leur projet de renforcement du Fonds de soutien à la zone euro.

Il s'agit d'augmenter la capacité de prêt du dispositif à 440 milliards d'euros effectifs, mais aussi d'élargir sa palette d'outils en l'autorisant par exemple à racheter de la dette publique des pays en difficulté sur les marchés, une évolution que la BCE, qui se charge pour le moment de cette tâche, réclame depuis des semaines.

«L'absence de rachat d'obligations publiques la semaine dernière peut être le signe de sa réticence croissante à jouer ce rôle», note Jonathan Loyens, économiste chez Capital Economics.