L'agence de notation financière Standard & Poor's a abaissé jeudi d'un cran la note de la dette à long terme du Japon, à AA-, en raison du lourd endettement du pays dont la situation financière pourrait s'aggraver.

La nouvelle note de l'archipel reste néanmoins la quatrième meilleure possible sur un total de 22, correspondant à un émetteur de haute qualité. Standard & Poor's a assorti cette note d'une perspective «stable».

«L'abaissement reflète notre estimation que les ratios d'endettement de l'État japonais - déjà parmi les plus hauts des dettes notées -, vont continuer d'augmenter davantage que ce que nous envisagions avant que la crise économique mondiale ne frappe ce pays», a expliqué l'agence dans un communiqué.

Standard & Poor's juge que l'endettement nippon va continuer d'augmenter jusqu'au milieu des années 2020.

«Le déficit budgétaire public ne devrait se réduire que modestement, de 9,1% du PIB pour l'année budgétaire 2010 (avril 2010 à mars 2011) à 8,0% pour l'année budgétaire 2013», a-t-elle souligné.

L'agence a ajouté que l'évolution de la dette nippone était aggravée par la déflation persistante et le vieillissement de la population.

Le ministre japonais des Finances, Yoshihiko Noda, a immédiatement tenté de rassurer.

«Afin de gagner la confiance du marché, il est important d'envoyer au moment opportun le message comme quoi nous allons fermement maintenir la discipline budgétaire», a-t-il déclaré à la presse.

Standard & Poor's avait averti dès janvier 2010 que la note AA du Japon était menacée. L'archipel avait déjà perdu en 1998 la prestigieuse note «AAA» dont jouissent la plupart des autres grands pays industrialisés.

Depuis l'Italie en octobre 2006, aucun pays du G7 n'avait vu sa note diminuée.

Cette dégradation résulte de l'endettement colossal du pays, équivalent aujourd'hui à quelque 200% de son PIB, la proportion la plus élevée parmi les pays développés, à cause des plans de relance à répétition depuis la «décennie perdue» des années 90.

La récession économique mondiale de 2008-2009, qui a frappé de façon particulièrement sévère le Japon, a aggravé le problème.

«La politique budgétaire du gouvernement n'inspire pas confiance», a souligné Hiroshi Watanabe, économiste à l'Institut de Recherche Daiwa.

Il a toutefois ajouté que la situation du Japon n'était pas comparable à celle des pays européens en difficultés financières, comme la Grèce, l'Irlande ou le Portugal, parce qu'environ 95% des bons du Trésor sont détenus par des investisseurs japonais, ce qui réduit les risques de faillite de l'État.

«Le Japon ne va pas s'effondrer dans un proche avenir», a-t-il assuré.

Standard & Poor's reconnaît elle aussi que le pays dispose «de grandes réserves de changes, d'un système financier relativement fort et d'une économie diversifiée», des qualités permettant à sa note de rester encore parmi les meilleures.

Mais le budget de l'État nippon repose tout de même pour près de moitié sur la vente de nouvelles obligations. L'an passé, le gouvernement de centre-gauche de Naoto Kan s'est engagé à limiter à 44 300 milliards de yens (400 milliards d'euros) les émissions annuelles de nouveaux bons du Trésor, soit leur niveau de l'année budgétaire 2010, au moins jusqu'à l'exercice 2013.

M. Kan veut lancer une réforme fiscale d'ampleur, qui pourrait comprendre une hausse de la taxe sur la consommation, aujourd'hui fixée à seulement 5%, afin de mieux répartir et d'augmenter les recettes publiques.

Pour faire adopter ses projets, le gouvernement devra toutefois composer avec l'opposition conservatrice, majoritaire à la Chambre haute du Parlement et qui veut faire tomber M. Kan.

«Si le gouvernement s'empêtre dans sa réforme, de futures abaissements de la note vont certainement suivre», a prévenu Julian Jessop, de Capital Economics.

Il a ajouté qu'au vu de la taille de l'économie japonaise, la troisième mondiale, et de la sensibilité des marchés internationaux aux questions budgétaires, de telles décisions auraient «un impact planétaire».

Le yen a chuté après l'annonce de l'agence de notation. Le dollar américain, qui cotait jusque-là à peine 82 yens, a brièvement atteint 83,20 yens, et l'euro, évoluant autour de 112,60 yens, a bondi jusqu'à 113,61 yens.