Le président-directeur général de Renault, Carlos Ghosn, monte au front pour réitérer les allégations d'espionnage lancées par l'entreprise contre trois cadres soupçonnés d'avoir fourni à une «puissance étrangère» des détails sur son programme de développement de voiture électrique.

M. Ghosn, qui était demeuré silencieux sur l'affaire depuis son dévoilement dans les médias il y a quelques semaines, a accordé coup sur coup des entrevues à la chaîne télévisée TF1 et au Journal du dimanche durant la fin de semaine.

Prenant le contrepied des cadres mis en cause et congédiés, qui nient énergiquement toute malversation, le dirigeant de Renault a souligné qu'il était «catégorique» quant à l'existence de fuites d'informations stratégiques.

«Si on n'avait pas de certitudes, nous n'en serions pas là», a-t-il déclaré en assurant que les «preuves» étaient multiples et justifiaient le dépôt d'une plainte criminelle pour des «faits constitutifs d'espionnage industriel, de corruption, d'abus de confiance, de vol et recel commis en bande organisée».

M. Ghosn affirme avoir été alerté en août dernier par le directeur juridique et le responsable de la sécurité de l'entreprise qui lui ont fait part «d'informations extrêmement préoccupantes sur l'intégrité de certains de nos collaborateurs de haut niveau».

Le dirigeant de Renault n'a cependant pas donné de détails sur les preuves en question, prétextant que c'était désormais à la justice de faire la lumière sur le sujet. Il n'a pas non plus voulu spéculer sur l'identité des commanditaires de l'espionnage dénoncé.

Selon lui, les fuites portaient sur des informations relatives au «modèle économique» de la voiture électrique, dans laquelle Renault a investi plusieurs milliards en développement avec son associé japonais Nissan.

Le quotidien Le Figaro affirme que la direction de l'entreprise et les services policiers français soupçonnent une firme chinoise d'être à l'origine de l'espionnage. Ils auraient notamment identifié des comptes offshore dans lesquels des sommes ont été versées à partir de Shanghai à l'attention de cadres de Renault.

L'évocation du rôle de la Chine dans les médias a entraîné un vigoureux démenti de Pékin, qui parle d'accusations «sans fondement, inacceptables et irresponsables».

Vives réactions

L'avocat de Michel Balthazard, ancien membre du comité de direction de Renault qui figure parmi les trois cadres congédiés, a vivement réagi aux interventions médiatiques de M. Ghosn.

«Nous demandons au PDG de Renault d'apporter des preuves de ce qu'il reproche à mon client au lieu de simplement évoquer des convictions ou des rumeurs», a déclaré Pierre-Olivier Sur.

Un autre cadre congédié, Bertrand Rochette, a indiqué hier en conférence de presse qu'il se sentait «trahi» par l'entreprise.

«Je suis dans l'ignorance de ce qui pourrait fonder un licenciement pour faute lourde après 22 ans chez Renault», a indiqué M. Rochette, qui était l'adjoint de M. Balthazard.

Son avocat a déclaré qu'il avait demandé en vain au procureur de Paris de lui fournir les détails de la plainte déposée en justice.

À défaut d'infléchir l'attitude du personnel mis en cause, le PDG de Renault semble avoir réussi à s'assurer le soutien du ministre de l'Industrie, Éric Besson.

Le politicien avait vivement reproché à l'entreprise d'avoir trop tardé à alerter les autorités policières relativement à ses soupçons d'espionnage. La direction affirme que ce délai était nécessaire pour permettre de conclure une enquête interne qui lui a permis de se «forger une opinion sur la gravité de l'affaire».

«Pour que les choses soient très claires, j'ai dit ma façon de penser à Renault (...) Mais je ne jette pas le bébé Renault avec l'eau du bain», a-t-il souligné dans une entrevue à la radio.

«Je veux soutenir cette filière très, très importante du véhicule électrique et je veux travailler main dans la main avec Renault», a ajouté le représentant du gouvernement, qui détient 15% de l'entreprise.