Avec un taux directeur porté à 11,25% pour combattre l'inflation, le Brésil a les taux d'intérêt réels les plus élevés du monde, au risque valoriser encore un peu plus le real et de miner sa compétitivité, selon les analystes.

Dans sa première décision de l'année - et du nouveau gouvernement de la présidente Dilma Rousseff - le comité de la politique monétaire de la Banque centrale brésilienne (Copom) a augmenté hier soir son taux directeur d'un demi-point, à 11,25%, soulignant que cela était seulement «le début d'un processus d'ajustement», suggérant de nouvelles hausses à l'avenir.

Compte tenu d'une inflation de 5,9% à la fin 2010, le taux brésilien est le plus élevé du monde en termes réels, ont relevé les analystes.«Indiscutablement, le Brésil est le champion des taux», a souligné l'un d'eux, Jason Vieira, de la maison de courtage Cruzeiro.

Cela ouvre la porte à de nouvelles entrées de capitaux spéculatifs étrangers, à la recherche de hauts rendements, dans un cycle conduisant à une surévaluation de la monnaie locale, le real, dont la valeur a plus que doublé par rapport au dollar en huit ans.

Cette appréciation handicape ses exportations: en 2010, la principale économie d'Amérique latine a enregistré son plus faible excédent commercial des huit dernières années.

La Banque centrale a multiplié les mesures depuis le début de l'année pour tenter d'enrayer la hausse du real, sans réussir à le refaire passer au-dessus de la barre psychologique des 1,70 pour un dollar. «Il n'y a pas de doute que des taux à 11,25% favorisent l'entrée de capitaux spéculatifs. Cela érode la compétitivité de l'industrie brésilienne et, en outre, cela augmente la dépense publique», a dit à l'AFP le président de la puissante Fédération des Industries de Sao Paulo, Paulo Skaf.

Selon lui, une part importante de la pression inflationniste est due à la hausse du prix des matières premières agricoles, et la décision du Copom n'aura pas d'influence sur eux. «Les taux élevés font partie d'une culture erronée au Brésil. Une nouvelle hausse des taux n'aura pas d'effets sur l'augmentation des prix alimentaires», a souligné Paolo Skaf.

Pour l'économiste Roberto Vertamatti, de l'Association des dirigeants financiers, «selon nos calculs, le taux directeur pourrait terminer l'année à 12,75%, un point et demi au-dessus de son niveau actuel». La seule option du Brésil pour sortir de ce cercle vicieux est de réduire les dépenses publiques et réformer le système fiscal, selon lui. «La présidente Dilma Rousseff a signalé que cela était une nécessité. On ne peut repousser» ces réformes, a ajouté l'économiste.Jason Vieira estime que «la nouvelle hausse des taux n'est pas une surprise. Le principal message de la BC aux marchés est que le système de contrôle de l'inflation reste intact».

Selon lui, «beaucoup de gens au Brésil, peut-être en souvenir des expériences passées (l'hyper-inflation, NDLR), ont peur de l'inflation parce qu'ils pensent qu'elle peut devenir hors de contrôle. Une bonne part de l'économie brésilienne est indexée, les salaires et les loyers par exemple».