Porté par la crise, le marché de l'or usagé est devenu florissant au Portugal, où de plus en plus de particuliers se défont de leurs bijoux de famille, parfois pour quelques dizaines d'euros, afin de boucler leurs fins de mois.

«Achetons or usagé contre argent comptant»: de Lisbonne à Porto, les enseignes se multiplient, avec pignon sur rue ou au coeur des centres commerciaux, et depuis le début de l'année, les campagnes publicitaires se succèdent à coups d'annonces pleine page dans les journaux ou de spots à la radio.

«Le secteur connaît un vrai boom. L'an dernier, nous avons triplé nos achats d'or et 2010 a été la meilleure des 20 dernières années», confirme à l'AFP Rui Pinhao, administrateur de Valores, devenu leader du marché en deux ans avec plus de 150 agences franchisées à travers tout le pays.

À l'origine de cet essor, «la crise économique et le manque de liquidités mais aussi la montée du cours de l'or au cours des dix dernières années», explique-t-il, rappelant que, «par rapport au reste de l'Europe, les Portugais ont toujours été traditionnellement très friands de bijoux en or».

Lourdement endettés et soumis à une cure d'austérité qui s'est encore aggravée au 1er janvier, «les Portugais n'hésitent plus», affirme M. Pinhao.

Dans sa boutique à la devanture vert fluo, ouverte il y a six mois au coeur du vieux Lisbonne, Luis Araujo attend le client. Sur son bureau, il n'a qu'une balance électronique et une plaquette présentant les différents types d'or, leur couleur et leur degré de pureté.

«Les personnes entrent et me montrent ce qu'elles ont à vendre. Je pèse, j'observe et je fais une proposition, explique-t-il. Si elles acceptent, et c'est presque toujours le cas, je paie et c'est fait.»

Les transactions varient entre 20 à 25 euros (un euro = 1,2845$ CAN)  pour une petite bague jusqu'à 750 ou 1000 euros pour quelque 50 grammes de bijoux.

Les clients sont surtout des femmes, âgées d'une trentaine à une cinquantaine d'années. «C'est curieux, mais presque tout le monde sent comme une obligation de justifier pourquoi ils vendent», raconte cet ancien employé de banque de 51 ans.

«Il y en a qui ont besoin d'argent pour faire leurs cadeaux de Noël ou payer le mariage de leur fils», témoigne M. Araujo, qui constate également le développement d'une clientèle d'«habitués» qui, se retrouvant au chômage ou en congé maladie, «vendent leurs bijoux un par un pour payer leur loyer».

«C'est un marché en pleine croissance», confirme Luiz Pereira, directeur général de Ourinvest, principal concurrent de Valores créé en 2010 et qui compte déjà 54 agences.

«La situation économique du pays a fait que le recours à la vente d'or comme mode de financement est devenue une pratique courante», explique-t-il, précisant que si «90% des clients sont des particuliers», «certains sont des chefs d'entreprises qui se séparent de leurs biens personnels pour recapitaliser leur affaire».

Selon les données fournies à l'AFP tant par le groupe Valores que par son concurrent Ourinvest, la marge dégagée par l'acheteur est de 1,50 à 2 euros par gramme de métal jaune, qui est ensuite fondu en lingots puis revendu sur les marchés internationaux.

«Les perspectives pour 2011 sont très positives: la crise est installée et la valorisation de l'or devrait se poursuivre», se félicite M. Pereira.