La question des bonus est revenue hanter le gouvernement britannique, les libéraux-démocrates faisant pression sur leurs alliés conservateurs pour qu'ils prennent des mesures en vue de les limiter, tandis que les banques de la City sont divisées sur la stratégie à adopter.

Le numéro deux du gouvernement, le chef des libéraux-démocrates Nick Clegg, a haussé le ton vendredi contre les banquiers, en prévenant que le gouvernement serait forcé d'intervenir si elles continuaient à payer d'énormes bonus à leurs employés, sans jouer leur rôle de financement de l'économie.

«Il est inacceptable que des millions de gens fassent des sacrifices en termes de niveau de vie, pendant que les banques s'en tirent sans dommages», a affirmé le vice-Premier ministre dans un entretien au Financial Times. «Les banques ne doivent pas se bercer d'illusions, le gouvernement ne peut pas rester sans rien faire», a-t-il ajouté.

Ces propos de Nick Clegg font écho à ceux de son collègue libéral-démocrate, le ministre du Commerce Vince Cable, qui avait déjà prévenu que le gouvernement «agirait sérieusement» contre le retour de «bonus ridiculement élevés».

Nick Clegg fait ainsi monter la pression sur le Premier ministre conservateur David Cameron, dont le camp s'est jusqu'ici montré très réticent à prendre des mesures concrètes contre les bonus excessifs.

Comme l'explique le FT, arracher à M. Cameron des mesures coercitives contre les «fat cats» (chats gras) de la City, comme sont surnommés les banquiers adeptes de bonus mirobolants, permettrait aux libéraux-démocrates de marquer des points auprès de l'opinion.

Cela les aiderait à faire oublier l'épisode humiliant de la hausse des frais d'université, acceptée par les Lib-Dems en violation d'une promesse électorale, ce qui a fait dégringoler leur cote de popularité.

Mais les conservateurs font jusqu'ici la sourde oreille.

Le ministre des Finances George Osborne a bien créé sous la pression des Lib-Dems une commission chargée de réfléchir à une éventuelle scission des banques, afin d'isoler leurs activités traditionnelles de leurs opérations risquées.

Cette mesure radicale est prônée par Vince Cable, qui ne cesse de dénoncer les excès de banques transformées en «casinos», mais elle fait hurler le secteur, et plusieurs établissements, dont la puissante HSBC, ont menacé de s'exiler plutôt que de se laisser découper en morceaux.

En matière de primes, M. Osborne s'est contenté de quelques déclarations martiales, tout en refusant de les plafonner. Il a ainsi choisi de remplacer la taxe temporaire sur les bonus instaurée par l'ancien gouvernement travailliste, par une taxe sur le bilan des banques jugée beaucoup plus bénigne pour le secteur, car elle sera largement compensée par une baisse progressive de l'impôt sur les sociétés.

David Cameron a confirmé cette position vendredi, en marge du sommet européen, à Bruxelles. Il a appelé les banques à faire preuve de «retenue» en matière de rémunération, mais a répété que la nouvelle taxe bancaire était préférable à une taxation des bonus.

Face à cette cacophonie gouvernementale, les banques se montrent elles-mêmes divisées sur la stratégie à adopter. Selon la presse, Barclays a tenté d'organiser une démarche commune avec ses rivales, consistant à proposer au gouvernement des engagements en matière de rémunération et de crédits aux entreprises, en échange d'une promesse qu'il n'y aurait pas d'autre taxe.

Mais cette initiative n'a guère soulevé d'enthousiasme dans la City: Standard Chartered a refusé de s'y associer, et HSBC et Santander pourraient faire de même.