Moody's a annoncé mercredi qu'elle envisageait d'abaisser de nouveau la note «Aa1» de l'Espagne, s'inquiétant de sa capacité à se financer même si elle la juge «plus solide» que l'Irlande ou le Portugal, signe que Madrid, malgré les mesures prises, n'arrive pas encore à convaincre.

Cette déclaration, qui faisait chuter la bourse madrilène de 2%, survient après plusieurs jours de mises en garde d'analystes ou de représentants d'institutions comme Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne (BCE), qui ont appelé l'Espagne à être plus transparente et à accélérer ses réformes, du travail, des retraites et du système bancaire.

Moody's avait déjà décidé lundi de maintenir la perspective négative sur les banques espagnoles, pointant leurs difficultés à se financer et leurs pertes.

Fin septembre, elle avait retiré sa note maximale «Aaa» à l'Espagne, en raison de la «détérioration considérable de la solidité financière du gouvernement», comme l'avaient fait au printemps Standard and Poor's et Fitch. Le pays reste toutefois bien noté.

Cette fois, ce sont les «besoins élevés de refinancement en 2011», évalués à 170 milliards d'euros pour le gouvernement central, 30 milliards pour les régions et 90 milliards pour les banques, qui préoccupent l'agence de notation.

Même si «la solvabilité de l'Espagne» n'est pas «menacée», ce qui écarte la nécessité d'un plan de sauvetage, ces «besoins importants de financement (...) rendent le pays susceptible de connaître de nouveaux épisodes de tension pour se financer sur les marchés», explique l'analyste Kathrin Muehlbronner.

Les banques sont au centre des inquiétudes de Moody's, qui craint un «coût de la recapitalisation des banques (...) plus élevé que prévu».

Elle envisage donc d'abaisser la note «Aa1» de la dette du Frob, le fonds gouvernemental de soutien aux banques, et «réévaluera ses notes sur les banques espagnoles dans les prochains jours».

Enfin, elle note que le gouvernement, malgré son plan d'austérité, a un contrôle «limité» sur les finances régionales, dans un pays très décentralisé.

L'exécutif a pourtant multiplié ces dernières semaines les paroles rassurantes et annoncé de nouvelles mesures, dont la privatisation partielle de ses aéroports et de sa loterie pour rapporter 14 milliards d'euros, afin de calmer les marchés, qui doutent de la solidité du pays après le sauvetage irlandais.

«Le plus important, dans la décision de Moody's, est qu'elle survienne juste quelques jours après le dernier paquet de mesures» du gouvernement, a commenté Juan José Toribio, doyen de l'IESE Business School de Madrid.

«Ce que dit Moody's, c'est "je n'y crois pas"», a-t-il estimé.

«J'espère qu'avant trois mois (durée de la période d'examen, ndlr) nous pourrons donner des arguments suffisants pour que cette perspective négative se transforme en positive», a réagi la ministre de l'Economie Elena Salgado, notant que l'agence «ne met pas en doute la solvabilité de l'économie» du pays.

Moody's «continue de voir l'Espagne comme un pays bien plus solide que d'autres pays de la zone euro» sources d'inquiétudes des marchés (Portugal, Irlande...), rappelle en effet Mme Muehlbronner, donc «l'examen de Moody's conclura très probablement à un maintien de la note de l'Espagne dans la catégorie "Aa"».

Pendant trois mois, Moody's suivra «l'engagement du gouvernement» dans ses «réformes des retraites et de la négociation collective», tout en surveillant les finances des 17 régions, qui croulent sous une dette cumulée de 105 milliards, et le coût réel de la recapitalisation des banques.

Dans ce contexte tendu, le Trésor espagnol essaiera jeudi de lever 2 à 3 milliards d'obligations à 10 et 15 ans. Pour sa dernière émission mardi, les taux étaient en forte hausse.