La politique d'élargissement de l'UE bat de l'aile, éprouvée par la crise économique et une certaine lassitude des Européens, mais plusieurs pays, comme la Grande-Bretagne, la Finlande, l'Italie et la Suède, tentent d'inverser la vapeur.

Mardi, les ministres européens des Affaires étrangères, réunis à Bruxelles, devaient officiellement réaffirmer leur «ferme soutien à la politique d'élargissement».

En coulisses cependant, juge un diplomate européen, pour beaucoup d'entre eux, «l'heure n'est pas à l'élargissement, qui devient une politique des tout petits pas».

Après avoir intégré dix pays en 2004, l'UE a réalisé avoir été un peu vite en besogne en acceptant la Bulgarie et la Roumanie en 2007, qui n'étaient pas prêtes, estime un autre diplomate bruxellois: «Du coup le club a durci ses règles, il traîne des pieds, et c'est aujourd'hui un peu frustrant pour les pays qui aspirent à le rejoindre».

Ouvertes en 2005, les négociations d'adhésion de la Turquie en sont l'illustration la plus spectaculaire. Elles sont aujourd'hui proches du point mort, alors que la Croatie - qui a commencé en même temps - espère les boucler au premier semestre 2011, en vue de rejoindre l'UE au premier janvier 2013.

La présidence belge de l'UE s'était fixée pour objectif de franchir un nouvelle étape en décembre en ouvrant un nouveau chapitre thématique de pourparlers avec Ankara, sur la concurrence.

Elle s'est résolue à admettre que ce serait «très difficile», selon un diplomate, les ministres des Affaires européennes devant conclure mardi que ce chapitre ne serait ouvert que «lorsque les critères seront remplis», selon un projet de déclaration vu par l'AFP.

Surtout, des pans entiers des pourparlers sont bloqués du fait de l'impasse dans les négociations en vue d'une réunification de l'île de Chypre et du refus d'Ankara de reconnaître la République de Chypre qui a rejoint l'UE en 2004.

Fondamentalement, des pays comme la France ou l'Allemagne sont très réticents à l'idée d'une adhésion pleine et entière de ce pays de 78 millions d'habitants.

Mais la Turquie a aussi ses défenseurs, à l'instar du chef de la diplomatie britannique William Hague. Il a jugé à Bruxelles qu'il fallait «poursuivre notre travail vers une adhésion de la Turquie».

«D'ici là, il faut améliorer notre coopération en matière de politique étrangère», a-t-il ajouté, une allusion notamment aux divergences qui ont opposé cette année Ankara aux Européens sur les sanctions contre le programme nucléaire iranien, par exemple.

Dimanche, dans une tribune de presse commune, William Hague et ses homologues italien Franco Frattini, suédois Carl Bildt et finlandais Alexander Stubb ont plaidé pour que l'Europe «se tourne à nouveau vers l'extérieur».

Selon eux, c'est précisément la crise qui doit motiver l'UE à s'ouvrir à de nouveaux membres, qui peuvent notamment «l'aider à renouer avec le dynamisme économique» et à «poursuivre l'expansion de l'espace européen de stabilité et de croissance».

À Bruxelles, Franco Frattini a cité des chiffres de l'OCDE selon lesquels la Turquie serait d'ici 2050 la deuxième plus grande économie européenne, avec une croissance de 5% comparée à une moyenne de 1% dans la zone euro, selon des participants.

Mardi, les ministres devaient aussi décider de transmettre aux chefs d'Etat et de gouvernement la responsabilité d'octroyer le statut de candidat au Monténégro.

Pays candidat depuis 2005, la Macédoine attend toujours l'ouverture formelle de négociations d'adhésion, bloquée par sa querelle avec la Grèce au sujet de son nom. L'Albanie et la Serbie, qui ont déposé une demande en avril et en décembre 2009, ne se sont elles pas encore vu octroyer le statut de pays candidats.