Le plan d'aide international à l'Irlande était abondamment critiqué lundi sur l'île, qui a du mal à accepter un taux d'intérêt jugé «punitif» et une sévère ponction dans le fonds de réserve des retraites, dernier bas de laine d'un pays ruiné.

«C'est n'importe quoi!», lance Deirdre, mère au foyer dans la trentaine faisant ses courses dans le centre de Dublin. «Manifestement, ils ont agi vite fait pour essayer de stopper la contagion. Un plan de sauvetage où nous payons le quart nous-mêmes...», ajoute-t-elle dans un haussement d'épaules, avant de poursuivre son chemin dans les rues enneigées de la capitale.

Dublin s'est réveillé lundi matin avec la gueule de bois, après la conclusion d'un accord de 85 milliards d'euros, mis au point par l'Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI), auquel l'Irlande contribuera à hauteur de 17,5 milliards d'euros. La petite île devra ainsi puiser 12,5 milliards d'euros sur le Fonds national de réserve des retraites.

Le pays a été «jeté aux égouts», écrit en Une l'Irish Daily Mail. Le «petit cochon national est vidé», estime-t-il.

Les Irlandais avalent également difficilement le taux d'intérêt jugé «punitif» du prêt accordé par l'UE : à 5,8%, il est plus élevé que celui exigé à la Grèce au printemps dernier.

«L'Irlande paralysée par des intérêts de 10 milliards par an», titre en Une l'Irish Examiner. «Au lieu de sauver l'État, (le plan international) pourrait le saborder».

Le Premier ministre Brian Cowen a assuré dimanche soir qu'il s'agissait du «meilleur accord» que le pays pouvait obtenir, soulignant que Dublin devait actuellement emprunter à des taux encore plus élevés.

Lundi, la ministre du Tourisme, Mary Hanafin, a tenté de faire passer le même message. «On nous donne de l'argent à un taux moins élevé que ce qui est disponible ailleurs. La dernière fois que nous avons emprunté sur les marchés en septembre, cela nous a coûté 6%. Maintenant, ces mêmes marchés demandent 9%».

La ministre s'est par ailleurs félicitée que l'UE et le FMI aient accordé un délai supplémentaire à Dublin pour ramener à 3% son déficit public qui atteint actuellement 32% du Produit intérieur brut (PIB). Le gouvernement a, dans un premier temps, annoncé mercredi un plan de rigueur aussi draconien que critiqué visant à atteindre ce but en 2014. Il aura dorénavant jusqu'à 2015.

Ajai Chopra, directeur adjoint du FMI pour l'Europe, a assuré qu'il s'agissait d'un «bon accord pour l'Irlande dans les circonstances actuelles». Le chef de l'équipe du FMI présent à Dublin depuis dix jours pour négocier le plan a souligné lui aussi que le taux d'intérêt de 5,8% était «nettement meilleur que ce que l'Irlande pourrait avoir sur les marchés actuellement».

Mais les partis d'opposition, confiants dans leur victoire aux élections anticipées du début 2011, ont condamné un plan qui va «ruiner» le pays, selon Joan Burton, une porte-parole du parti Travailliste.

Michael Noonan, son homologue du Fine Gael, principal parti d'opposition, a dénoncé un taux d'intérêt «trop élevé qui frise l'impossible». «Le gouvernement a été lessivé dans les négociations, ils ont été trop tendres», a-t-il estimé.

Gerry Adams, leader du Sinn Féin, a jugé l'accord «terrible».

Dans ce contexte, le vote du budget de rigueur, présenté le 7 décembre et qui constitue une condition sine qua non à l'octroi du plan international, apparaît de plus en plus difficile. Le Premier ministre appelle à un sursaut national pour voter l'austérité mais il semble certain qu'il ne pourra compter que sur ses propres forces. Or la majorité gouvernementale n'est que de deux députés. Et ces deux élus menacent de ne plus soutenir le Premier ministre.