Les paroles rassurantes du gouvernement espagnol ne semblent avoir aucun effet : Madrid termine la semaine sur des turbulences boursières qui ne veulent pas s'apaiser, alors que les doutes subsistent sur son imperméabilité à la crise irlandaise.

«Pour calmer les fauves, il faut de la musique», note malicieusement Carlos Sebastian, professeur d'économie à l'université Complutense de Madrid, reprenant un proverbe espagnol.

Mais la petite mélodie que jouent les membres du gouvernement socialiste ces derniers jours n'a pas l'air de stopper le vent de panique sur les marchés.

Vendredi matin, quelques minutes après la fin d'une interview accordée par le chef de l'exécutif, José Luis Rodriguez Zapatero, l'indice Ibex-35, qui avait ouvert en légère baisse, s'est mis à plonger. À 12h30 (heure locale), la Bourse baissait encore de 2,45%.

Au même moment, l'écart entre les taux des obligations espagnoles à 10 ans et les taux allemands (référence en zone euro) atteignait un record historique, à 260 points de base, signe de la défiance des marchés.

«Ceux qui misent contre l'Espagne à court terme vont se tromper», a assuré M. Zapatero sur la radio catalane RAC1, écartant «absolument» l'éventualité d'un plan de sauvetage financier, comme cela a été le cas pour l'Irlande.

Craignant peut-être qu'on ne le croie pas, il a ajouté: «ce n'est pas que je veuille transmettre la confiance simplement par ma volonté mais à partir de faits concrets», notamment le faible niveau de la dette publique, «à vingt points sous la moyenne européenne (...) avant, pendant et après la crise».

Cette semaine, c'est surtout la ministre espagnole de l'Économie, Elena Salgado, qui a enfilé sa tenue de pompier, multipliant les interventions médiatiques pour tenter d'apaiser les marchés.

«Nous ne courons aucun risque, parce que notre économie est très différente» de l'économie irlandaise, a-t-elle dit sur Punto Radio. L'Espagne remplit «au pied de la lettre» son programme de réformes, a-t-elle clamé sur la radio RNE.

Le pays veut croire que le scénario du printemps ne se répétera pas, quand il avait été secoué par la panique boursière autour du sauvetage de la Grèce.

Mais les experts pointent les faiblesses de son économie avec une croissance nulle, un taux de chômage de 20%, record en zone euro, et des réformes (des caisses d'épargne, du marché du travail et des retraites) jugées insuffisantes pour réduire comme prévu le déficit.

Surtout, les paroles du gouvernement ne semblent pas suffire: l'Espagne doit «dissiper au plus vite» les doutes la concernant, a tranché jeudi le vice-président de la Commission européenne, l'espagnol Joaquin Almunia.

«Les messages d'Elena Salgado ne transmettent pas la confiance aux marchés. Elle ne peut pas dire que les réformes ne vont pas s'accélérer (...) parce qu'il est évident qu'il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine, et les marchés le savent», a déclaré vendredi à El Economista Juergen B. Donges, ex-président des Cinq Sages, groupe d'économistes influent qui conseille le gouvernement allemand.

«Le gouvernement espagnol doit montrer par des actes que ses réformes structurelles mènent quelque part», a affirmé Thomas Mayer, économiste en chef de Deutsche Bank, au quotidien allemand FAZ.

Cette incapacité à faire revenir le calme laisse libre cours aux spéculations: lundi, Cornelia Meyer, PDG de la société de conseils MRL Corporation, estimait «jusqu'à 500 milliards d'euros» le coût d'un éventuel sauvetage de l'Espagne.

Vendredi, ce chiffre virtuel a encore grimpé, M. Donges avançant «800 milliards», une somme qui «mettrait en doute l'avenir de l'euro».