Le chef de file des ministres des Finances de la zone euro Jean-Claude Juncker a lancé lundi des critiques d'une dureté inhabituelle contre la politique américaine en matière de changes, juste avant le sommet du G20 de Séoul qui devrait être dominé par ces questions.

«Le dollar par rapport à l'euro ne se trouve pas être au niveau auquel il devrait être», a déclaré M. Juncker, lors d'une audition devant une commission du Parlement européen à Bruxelles.

Les taux de changes «doivent d'abord refléter les données fondamentales économiques» et «ne doivent pas donner lieu à des comportements nationaux qui sont inspirés plus par des réflexes égoïstes que par le sentiment qu'il faudrait que la communauté internationale s'occupe des soucis globaux», a-t-il ajouté.

Une manière de s'en prendre notamment aux États-Unis, qui sont soupçonnés de se satisfaire pleinement de voir le billet vert fondre car cela stimule leurs exportations au moment où la croissance du pays patine.

Les Européens ont récemment tiré la sonnette d'alarme face au niveau élevé de l'euro, qui pourrait saper leur timide reprise en pénalisant leurs exportations.

M. Juncker, dans le sillage du gouvernement allemand, a par ailleurs critiqué les récentes mesures de relance de la Réserve fédérale américaine (Fed) présentaient des «risques» pour le reste du monde.

«Les récentes décisions de la banque centrale américaine ne me paraissent pas répondre à tous les éléments d'attente que nous aurions pu nourrir», a-t-il dit.

«Je vois plus de risques et plus de possibilités de dérapages globaux dans les décisions qui ont été prises par la Fed que de bienfaits», a-t-il encore dit, ajoutant que «les Européens qui seront autour de la table» du prochain sommet du G20 à Séoul «ne manqueront pas de poser un certain nombre de questions à nos amis américains».

La banque centrale américaine a décidé la semaine dernière d'injecter massivement des liquidités en dollars dans le circuit économique, via le rachat d'obligations d'État, afin de soutenir la croissance fragile aux États-Unis. Une décision connue sous le terme «d'assouplissement quantitatif», qui a pour effet de diluer la valeur du billet vert.

La décision a suscité des critiques dans le monde, au moment où l'on craint une «guerre des changes» et des dévaluations compétitives entre grands pays.

L'Europe souhaite en discuter lors du prochain sommet du G20 de Séoul les 11 et 12 novembre. Elle y sera représentée d'une part par les représentants de l'Union européenne, les président de l'UE Herman Van Rompuy et de la Commission José Manuel Barroso, et d'autre part par les dirigeants des pays européens membres de ce forum, comme la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne ou encore l'Italie.

«La décision de la Fed ne me paraît pas être la bonne. On combat la dette par la dette. On s'érige en critique sévère de la politique monétaire chinoise, alors que d'une certaine façon et d'une façon certaine, on fait par des moyens détournés exactement la même politique», a encore accusé M. Juncker.

Il a dit douter de la capacité des mesures de la Fed à relancer l'investissement et la consommation aux États-Unis, s'inquiétant à l'inverse de son impact inflationniste car elle font fonctionner la planche à billets.

«Je vois le risque de voir déferler vers les pays émergents des volumes de liquidités que ces pays ne pourront pas absorber», a-t-il soutenu.