Des analystes du marché monétaire doutent que la nouvelle présidente du Brésil réussisse à réduire suffisamment le déficit budgétaire du pays pour abaisser les taux d'intérêt réels les plus élevés du G20.

Le Brésil «a adopté une politique mixte, libérale sur le plan fiscal et stricte sur le plan monétaire, alors qu'il a besoin exactement du contraire», soutient Ricardo Hausmann, professeur à l'Université Harvard. M. Hausmann a été ministre de la Planification du Venezuela de 1992 à 1993 et il a été économiste en chef de la Banque interaméricaine de développement, à Washington. «Les dirigeants brésiliens ont un pied sur l'accélérateur et l'autre sur les freins», ajoute-t-il.

Dilma Rousseff, 62 ans, qui a été chef de cabinet du président brésilien sortant Luiz Inacio Lula da Silva et la dauphine de ce dernier, a obtenu 56% des suffrages lors des élections de dimanche contre 44% pour son adversaire Jose Serra.

Au cours de la campagne électorale, Mme Rousseff a promis de réduire la dette publique à environ 30% du produit intérieur brut d'ici 2014 comparativement à 41% à l'heure actuelle en adoptant une politique fiscale «responsable». Elle n'a pas précisé comment elle entend contrôler les dépenses, qui ont bondi de 18,2% en juillet dernier par rapport à un an plus tôt, soit plus de deux fois le taux annuel de croissance économique de 8,8% au deuxième trimestre.

Au lendemain de sa victoire, Mme Rousseff a indiqué que son objectif principal sera d'éradiquer la pauvreté, ajoutant qu'elle n'acceptera pas de réduire le financement des programmes sociaux et les investissements dont le pays a besoin.

«Le peuple brésilien n'accepte pas les gouvernements qui dépensent à des niveaux non viables et pour cette raison nous ferons tous les efforts nécessaires pour améliorer les dépenses publiques», a dit la nouvelle présidente à Brasilia.

En septembre dernier, la dette du gouvernement fédéral brésilien s'élevait à 957 milliards US.

Mais abaisser les dépenses ne sera pas chose facile au moment où le pays se mobilise pour accueillir la Coupe du monde en 2014 et les Jeux olympiques en 2016. Pendant la campagne électorale, Mme Rousseff a aussi promis d'améliorer les ports et les autoroutes du pays, que le Forum économique mondial tenu à Genève cette année a qualifiés «d'épouvantables».

«À moins que les investissements dans les infrastructures deviennent une priorité et s'accélèrent véritablement, nous allons frapper un mur d'ici deux ou trois ans», avance Fernando Gentil, directeur de Darby Overseas Investments Ltd., au Brésil, qui a investi environ 400 millions US dans le pays.

À la différence de M. Lula, qui a pris le pouvoir en 2003 tandis que le réal s'effondrait, Mme Rousseff devra contenir la progression de 36% de la devise brésilienne depuis le 1er janvier 2009, ce qui nuit aux exportations et a provoqué un déficit courant record de 47,3 milliards US depuis le début de l'année jusqu'en septembre dernier.

Le taux directeur de la Réserve fédérale américaine (Fed), qui se situe à près de 0%, a contribué à propulser la devise brésilienne à 1,6442 réal au dollar américain le 14 octobre dernier, plus haut niveau depuis septembre 2008, les investisseurs étant en quête d'actifs procurant de meilleurs rendements sur les marchés émergents.

Du début de l'année jusqu'à la mi-octobre, les prix à la consommation ont grimpé de 5,03% au Brésil. La prédiction des décideurs selon laquelle l'inflation ralentira à 4,5%, la cible visée, dépend du ralentissement de la croissance des dépenses gouvernementales l'an prochain.