Le compromis trouvé dans l'UE pour renforcer la discipline budgétaire commune suite à la crise grecque suscite la controverse, plusieurs voix s'élevant pour le juger insuffisant, alors qu'une modification des traités demandée par Paris et Berlin se profile.

Le président de la Banque centrale européenne Jean-Claude Trichet, fervent partisan d'une rigueur absolue, a «rédigé une note expliquant ses objections à l'accord» trouvé par les pays de l'UE, a indiqué jeudi un porte-parole de la BCE.

M. Trichet voulait des réformes «ambitieuses» pour éviter une nouvelle dérive des déficits. Il est resté sur sa faim.

Un compromis entre la France et l'Allemagne, annoncé à Deauville en France par le président Nicolas Sarkozy et la chancelière Angela Merkel, a permis lundi de trouver un accord européen pour durcir la discipline des 27 pays de l'UE.

Mais elle ne le sera pas autant que souhaité au départ par l'Allemagne et d'autres partisans d'une grande fermeté, Pays-Bas, Suède ou Finlande.

L'accord prévoit de nouvelles sanctions financières contre les pays laxistes, comme des dépôts bancaires forcés se transformant en amendes. Elles s'appliqueront plus facilement, mais pas de manière totalement automatique. Un pays rappelé à l'ordre disposera de six mois pour corriger le tir avant d'être puni.

Outre M. Trichet, l'économiste en chef de la BCE, Jürgen Stark, a lui aussi fait part de sa déception. Ce compromis a été «célébré comme un grand jour pour l'Europe» mais «il reste à déterminer si c'est vraiment un grand jour», a-t-il déclaré.

Les critiques sont également venues du Parlement européen, où les principaux groupes politiques ont accusé la France et l'Allemagne d'avoir imposé leurs vues au reste de l'Europe avec un accord insuffisant.

«Il s'agit d'un recul, d'un diktat franco-allemand», a tempêté l'eurodéputé autrichien Othmar Karas.

Le chef de file des libéraux, Guy Verhofstadt, a appelé lui à «défaire le compromis de casino» franco-allemand, dans une allusion à Deauville et ses salles de jeux. Il a jugé «incompréhensible» l'assentiment de la chancelière allemande.

Dans son pays aussi, Mme Merkel a fait l'objet de commentaires peu amènes, certains lui reprochant de s'être laissée «flouer» par le président français.

Pour l'Allemagne, il s'agit «d'une étape intermédiaire», a justifié jeudi le ministre allemand de l'Économie Rainer Brüderle, soulignant qu'il serait «décisif d'arriver à modifier les traités» pour aller plus loin.

Car l'accord franco-allemand comporte un deuxième volet: il est prévu de modifier «d'ici à 2013» le traité européen de Lisbonne.

Il s'agit tout d'abord d'introduire des «sanctions politiques» contre les États laxistes, qui seraient privés de droits de vote lors des réunions européennes. Et aussi de pérenniser, comme le souhaite la France, une forme de Fonds de sauvetage pour les pays de la zone euro qui connaîtraient de graves difficultés financières.

Ce sujet sera abordé au plus haut niveau lors d'un sommet de l'UE jeudi et vendredi prochain à Bruxelles.

Les dirigeants devront d'abord avaliser le compromis controversé et décider ensuite s'ils vont plus loin avec un changement de traité, à l'occasion par exemple de l'adhésion de la Croatie à l'UE, au risque d'ouvrir la boîte de Pandore.

Les pays de l'UE ont gardé un souvenir traumatisant de la dernière initiative en ce sens, avec la ratification très difficile du traité de Lisbonne l'année dernière.

Cependant, les Britanniques, les plus hostiles a priori à cette idée, ont laissé la porte ouverte à leur assentiment à condition qu'ils ne soient pas concernés par les changements envisagés.

Selon un diplomate européen de haut rang, il y a «de bonnes chances de parvenir à un accord» au sommet sur ce sujet