Après des mois d'empoignades, notamment entre Londres et Paris, les Européens ont fait un grand pas mardi vers une régulation des fonds spéculatifs, accusés d'avoir amplifié la crise financière, avec un accord au niveau des ministres des Finances.

«Nous avons un accord à l'unanimité», s'est félicité le ministre belge Didier Reynders, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE, à l'issue d'une réunion avec ses homologues européens à Luxembourg.

Sur la base de cet accord, des discussions vont maintenant reprendre avec le Parlement européen, qui a aussi son mot à dire sur la future législation.

Mais le compromis entre les ministres des Finances représente déjà un net progrès, vu les difficultés rencontrées jusqu'à présent pour rendre plus transparent ce secteur très opaque, accusé d'encourager la spéculation, car elle prend des risques importants pour obtenir les rendements les plus élevés possibles.

Faute de pouvoir se mettre d'accord avec les gouvernements, le Parlement européen, qui avait réclamé une régulation dès septembre 2008, juste après la faillite de Lehman Brothers, vient encore de reporter son vote, qui était prévu cette semaine.

L'accord des ministres accepte notamment la mise en place d'un «passeport» permettant la commercialisation des fonds dans toute l'UE, sans devoir obtenir une autorisation dans chaque pays, en particulier quand ces fonds ou leurs gestionnaires ne sont pas basés en Europe.

La France s'y est longtemps opposée, par crainte de laisser les mains libres sur le marché européen à des acteurs douteux, basés par exemple dans des paradis fiscaux.

Les Britanniques de leur côté redoutaient des contraintes trop fortes qui provoqueraient un exode vers d'autres continents. Ils font aussi valoir que ces fonds non européens peuvent aussi être japonais, ou américains.

Les projets européens sont d'ailleurs suivis de très près par Washington: le secrétaire d'État au Trésor, Tim Geithner, a écrit à plusieurs reprises aux Européens pour les mettre en garde contre une législation trop protectionniste.

Au final, avec l'accord trouvé par les ministres, «il n'y a pas de discrimination, seulement de l'exigence», a affirmé le commissaire en charge des services financiers, Michel Barnier.

Il a ainsi prévenu que ce serait «un passeport qui se mérite, fondé sur des bases solides et apportant toutes les garanties en termes de gestion des risques».

Les fonds spéculatifs géraient encore 2000 milliards de dollars dans le monde avant la crise financière, un montant tombé l'an dernier à 1200-1300 milliards.

Leur régulation fait partie des engagements pris par le G20, un forum rassemblant les grands pays industrialisés et émergents de la planète, qui est utilisé comme plate-forme pour les discussions au niveau mondial sur la gestion des conséquences de la crise.

L'objectif des Européens est désormais d'adopter une régulation définitive, convenant aux gouvernements et aux eurodéputés, en novembre.

Ajouté à la nouvelle architecture de supervision financière sur laquelle ils se sont récemment mis d'accord, cela renforcera leur crédibilité pour la réunion du G20 prévue à la fin du mois à Séoul.