Après les États-Unis, c'est au tour de l'Union européenne (UE) de juger sévèrement les lois canadiennes touchant la protection des droits d'auteur.

La grogne est telle que l'UE exige qu'Ottawa apporte les correctifs qui s'imposent dans le cadre des négociations visant à conclure une entente de libre-échange entre le Canada et le Vieux Continent.

Des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information démontrent que la protection des droits d'auteur est devenue un enjeu de taille de ces négociations. L'Union européenne exigerait que le Canada adopte des lois plus sévères pour mieux protéger la propriété intellectuelle et mieux combattre le piratage fait par internet dans le cadre de ces négociations.

«(L'Union européenne) estime que le régime canadien visant à protéger la propriété intellectuelle est déficient à cause de plusieurs facteurs», peut-on lire dans les documents préparés à l'intention du ministre du Commerce international, Peter Van Loan, et datés de janvier 2010.

On explique la grogne de l'UE en citant la lenteur du Canada à ratifier deux traités négociés par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle touchant le contenu internet, l'absence de mesures adéquates pour combattre les activités de contrefaçon et de piratage et les protections «inadéquates» pour les produits pharmaceutiques. L'UE a ratifié ces deux traités le 14 décembre 2009.

La Presse n'a pu obtenir hier les commentaires du ministre Peter Van Loan au sujet des récriminations de l'UE. Mais dans les documents obtenus, les fonctionnaires du ministère du Commerce international soutiennent que le Canada prend «au sérieux» ses obligations de protéger les droits d'auteur et que le gouvernement continuera d'agir «dans le meilleur intérêt des Canadiens» en adoptant les politiques nécessaires à cet égard.

L'hebdomadaire Embassy rapportait il y a quelques semaines que l'UE avait en tête de demander au Canada d'élargir la portée de la loi sur la propriété intellectuelle de manière à donner un plus grand mot à dire aux auteurs, à y inclure des clauses concernant les produits audiovisuels, à modifier les conditions d'enregistrement des marques de commerce et à demander au Canada de ratifier certains traités internationaux liés à la protection de la propriété intellectuelle.

Ces demandes ont fait dire à Michael Geist, professeur de droit à l'Université d'Ottawa qui se spécialise dans les droits d'auteur, que l'UE exigeait «une refonte complète» du système canadien. «L'approche de l'UE est de simplement prendre ses règles et demander au Canada de les adopter», a déclaré M. Geist au journal Embassy.

Lancées en 2009, les négociations entre le Canada et l'UE doivent aboutir à un accord de libre-échange d'ici la fin de 2011. Le ministre Van Loan a affirmé en juillet avoir confiance de respecter cette échéance. Jusqu'ici, quatre rondes de négociations ont eu lieu entre les deux parties. La dernière a eu lieu à Bruxelles en juillet. La prochaine ronde de pourparlers doit avoir lieu au Canada en octobre.

Au cours des dernières années, les États-Unis ont souvent décrié la faiblesse des lois canadiennes en matière de protection des droits d'auteur.

En juin 2007, le gouvernement Harper a adopté une nouvelle loi devant enrayer le piratage de films afin de répondre aux doléances des producteurs d'Hollywood. Mais cela n'a pas suffi à calmer la grogne des autorités américaines.

En effet, en avril 2009, l'administration de Barack Obama a décidé de placer le Canada sur sa liste de noire des pays qui protègent mal les droits de propriété intellectuelle. Le Canada a rejoint cette «liste de surveillance prioritaire» pour la première fois depuis sa création il y a 20 ans. En tout, 12 pays font partie de cette liste, soit l'Indonésie, l'Algérie, l'Argentine, la Chine, le Chili, l'Inde, le Pakistan, la Russie, la Thaïlande, Israël et le Canada.

Le gouvernement Harper a de nouveau tenté de refaire l'image du Canada à cet égard en déposant un nouveau projet de loi (C-32) en juin. Ce projet de loi rend illégal le piratage de la musique, des films, séries de télévision, logiciels et autres jeux vidéos protégés par le droit d'auteur qui circulent sur internet. Le projet de loi est toujours à l'étude aux Communes.

- Avec William Leclerc