L'évasion fiscale a la vie dure en Grèce. Le gouvernement déploie l'artillerie lourde pour réclamer cinq milliards d'euros cette année aux fraudeurs. Tout un contrat.

Le visage bouffi par la fatigue, Ioannis Kapeleris enchaîne les cigarettes dans son bureau qu'il quitte rarement. L'homme de 50 ans dirige un «commando» de 1300 personnes: la police fiscale. «Nous sommes sur le pied de guerre 24 heures par jour», explique-t-il.

Le gouvernement socialiste de George Papandréou lui a confié une mission: soutirer cinq milliards d'euros des fraudeurs.

Jusqu'à présent, la pêche a été bonne. Le fin limier, spécialisé en évasion fiscale, a renfloué les coffres de l'État de 2,5 milliards d'euros.

Son arrivée à la tête du département, en décembre 2009, a remis l'équipe de détectives en selle. Aujourd'hui, elle tourne comme une machine de guerre.

«La crise, c'est le résultat d'années d'évasion fiscale généralisée», affirme Ioannis Kapeleris. Les Grecs profitaient de failles dans les règles fiscales, un exercice qui privait l'État d'au moins 10 milliards d'euros par année.

Jens Bastian, un économiste allemand établi à Athènes depuis 13 ans, résume la situation ainsi: «Il y avait tant de laxisme qu'il fallait être extrêmement stupide pour se faire pincer.»

Ioannis Kapeleris espère provoquer un changement culturel, rien de moins.

Son but est de rétablir la justice sociale, explique-t-il. «Les fonctionnaires et les pensionnaires ont été durement touchés par les mesures d'austérité. Ce sont au tour des tricheurs fortunés de faire leur part.»

Les professionnels libéraux comme les médecins et les avocats sont dans sa mire, tout comme les propriétaires de villas, de piscines et de yachts.

Chez les médecins seulement, l'étendue de la fraude est phénoménale. Pour environ 10 000 professionnels enquêtés, l'unité a recensé près de 500 000 infractions grâce à de simples contre-vérifications avec d'autres départements.

La technologie donne un coup de pouce aux justiciers de Kapeleris. Ils épient les cours arrières sur Google Earth, à la recherche de piscines non-déclarées.

Mais aucune cible n'est aussi payante que les propriétaires de bateaux de plaisance. Ceux-ci n'avaient qu'à utiliser des prête-noms pour éviter de payer la taxe de vente. L'un d'eux s'est porté volontaire pour rembourser sa part, une somme mirobolante de 1,5 million d'euros.

Une vaste réforme fiscale annoncée en mai devrait colmater les brèches de la loi.

Une ministre épinglée

Le gouvernement n'entend pas à rire avec les fraudeurs, conformément à une recommandation de la «troïka». Il frappe dans son propre cabinet.

La ministre du Tourisme, Angela Gerekou, a démissionné le 18 mai dernier à cause d'impôts non payées par son mari, le chanteur Tolis Voskopoulos. Il devrait cinq millions d'euros au fisc.

Encouragée, la population emboîte le pas. Le département de Ioannis Kapeleris a déjà reçu 8000 appels de dénonciateurs, comparativement à 4000 pour l'année 2009.

«Je viens d'un milieu modeste, je sais comment parler aux gens, dit M. Kapeleris, dont le visage revient quotidiennement à la télévision. On gagne leur confiance, petit à petit.»