De plus en plus de petites et moyennes entreprises chinoises décident d'entrer en Bourse à l'étranger, comme à la Bourse de Francfort, qui a lancé depuis quatre ans une véritable opération de séduction en Asie.

Comme beaucoup d'entrepreneurs chinois, Zhang Yu ne parle pas anglais, et encore moins allemand. Il n'empêche que sa société d'habillements, Kinghero, a fait son entrée vendredi à la Bourse de Francfort, où elle a levé 15 millions d'euros.

Ce jour-là, devant un attroupement germano-chinois en costume et tailleur, M. Zhang, la cravate ornée de dragons, a frappé par trois fois un gong, geste symbolique marquant le début de la cotation de sa société.

«Le gong nous a été offert par ZhongDe, la première société chinoise venue se coter chez nous en 2007», confie Alexander von Preysing, spécialiste des entreprises chinoises chez Deutsche Börse, l'opérateur de la Bourse de Francfort. «Le frapper est devenu une tradition pour les nouveaux entrants chinois, et ça leur plaît beaucoup», s'amuse-t-il.

Aujourd'hui 23 compagnies chinoises sont listées à Francfort. C'est encore peu par rapport à la Bourse de Londres, qui accueille 48 sociétés du géant asiatique, dont la première s'est installée en 1997. Sans parler des quelque 90 compagnies chinoises listées chez l'opérateur NYSE Euronext à Wall Street et à Paris.

Mais Deutsche Börse «a réalisé un travail de première classe» pour combler son retard, et «actuellement la tendance, c'est Francfort» juge Christian von Dreising de la banque allemande d'investissement Silvia Quandt, qui a copiloté l'entrée en Bourse de Kinghero.

Pourquoi ne pas tenter d'accéder aux Bourses de Shanghai, Shenzhen ou Hong Kong? «Cela nous prendrait beaucoup de temps et reviendrait plus cher», affirme Xiaoping Zhao-Moll, la jeune porte-parole de Kinghero.

«En Chine la priorité des introductions en Bourse (IPO) est donnée aux grands groupes, notamment ceux du secteur public nouvellement privatisés», explique M. von Dreising.

Le gouvernement de Pékin rend l'accès à la Bourse très compliqué pour les PME, «pour éviter l'engorgement», poursuit-il.

Kinghero a ainsi monté une holding à Munich (sud) qui détient 100% d'une autre à Hong Kong, laquelle contrôle les activités en Chine. Une structure type qui s'est imposée ces dernières années.

Les entreprises chinoises cotées à Francfort ont des secteurs d'activité divers. ZhongDe offre des services environnementaux, Asian Bamboo est spécialisé dans les matières premières, Vtion Wireless fabrique des clés USB et Joyou, arrivé en mars, des sanitaires. Toutes mènent leurs activités opérationnelles dans leur pays d'origine. Kinghero aussi, qui rêve de devenir le H&M ou le Zara chinois.

Les PME sont la trame du tissu économique allemand. Ainsi «beaucoup d'investisseurs comprennent les petites entreprises, et donc la propension à les accueillir est plus grande qu'en Chine», selon le banquier de Silvia Quandt.

«Nous nous sentons très bien ici, déclare Mme Zhao-Moll. Deutsche Börse est très efficace et particulièrement adaptée aux petites et moyennes capitalisations (...). Cela peut nous donner une très bonne réputation en Chine».

Pour une modeste entreprise chinoise, être associée à l'Europe ou à l'Allemagne lui confère un certain prestige. «Les Allemands sont très bien vus en Chine», assure M. von Preysing de Deutsche Börse.

L'inverse n'est pas toujours vrai: la distance géographique, les barrières culturelles et linguistiques peuvent être des «obstacles» pour gagner la confiance des investisseurs occidentaux, tempère-t-il. Mais «tout peut être surmonté», assure-t-il.