L'Espagne, en pleine déprime économique, espère toucher les dividendes de sa victoire au Mondial 2010 de football, mais au-delà de l'euphorie ambiante, le chômage est au zénith et la croissance reste atone.

Gagner le Mondial «est bon. Cela donne confiance en notre pays, à l'intérieur et à l'extérieur, et cela aussi sera bon pour le PIB», a assuré lundi la ministre de l'Économie du gouvernement socialiste, Elena Salgado.

Le ministre de l'Industrie, Miguel Sebastian, avait indiqué jeudi qu'il faudrait revoir à la hausse le produit intérieur brut espagnol pour 2010 en cas de victoire de «la Roja». Le gouvernement table pour l'instant sur une contraction de l'activité de 0,3% par rapport à 2009.

Frappée par l'éclatement de la bulle immobilière en 2008 conjugué à la crise financière internationale, l'Espagne peine à sortir clairement de la récession, avec une modeste hausse du PIB de 0,1% au premier trimestre.

Le taux de chômage s'élève à 20%, record de la zone euro, les déficits publics ont explosé à 11,2% du PIB et les observateurs estiment que le pays fait face à plusieurs défis pour sortir de l'ornière: réformer son marché du travail, son système bancaire, ou encore contenir ses déficits.

Mais la victoire pourrait venir soulager temporairement les maux espagnols, notamment grâce à un coup de pouce à la consommation des ménages.

La victoire «va aider la consommation», estime Josep-Maria Sayeras, économiste à l'Esade.

«Quand une société est heureuse, cela se répercute toujours sur la consommation», a déclaré à l'AFP Miguel Angel Fraile, secrétaire général de la Confédération espagnole du commerce, qui regroupe près de 450 000 détaillants.

«Il est sûr que la consommation va augmenter, mais nous ne savons pas dans quelle mesure», ajoute-t-il.

Une étude de la banque d'ABN Amro réalisée à l'occasion du Mondial 2006 évoquait un gain de croissance de 0,7% pour le champion, ce qui semble trop ambitieux pour plusieurs économistes.

Parmi les éléments qui pourraient freiner l'enthousiasme des consommateurs figurent l'endettement privé espagnol déjà élevé, à 178% du PIB, et la mauvaise situation de l'emploi.

Selon une étude du cabinet Nielsen, la confiance des consommateurs a atteint un niveau historiquement bas au deuxième trimestre.

Un secteur économique qui pourrait profiter de l'effet Mondial est celui du tourisme, qui pèse pas loin de 10% du PIB. L'Espagne est la troisième destination touristique mondiale, derrière la France et les États-Unis.

«La victoire est très positive pour le tourisme», a déclaré à l'AFP Marcio Favilla, directeur exécutif de l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), basé à Madrid.

«L'image positive se renforce (...) c'est très important», explique-t-il ajoutant que par exemple, des villes comme Barcelone et Madrid, qui abritent les deux grands clubs du pays, le Barça et le Real, devraient «capitaliser le plus tôt possible» sur cette victoire.

«C'est un bon moment pour renforcer l'image (de l'Espagne) sur les marchés internationaux», alors que celle-ci est actuellement ternie par la mauvaise situation économique et l'envolée des déficits publics qui a fait craindre à certains investisseurs que le pays ne plonge dans une crise similaire à celle de la Grèce, sauvée de la banqueroute par l'UE et le FMI.

La victoire au Mondial, «c'est comme une campagne de publicité gratuite», estime Juan Carlos Martinez Lazaro, économiste à l'IE Business School.

Pour M. Favilla, «le football n'est pas d'essentiel, mais dans l'inconscient collectif, la victoire va aider».