L'Allemagne voit ses déficits fondre plus vite que prévu grâce à un marché du travail très dynamique, de quoi conforter sa position d'apôtre de la rigueur budgétaire en Europe.

La projet de loi de finances pour les cinq années à venir, dont l'AFP a eu connaissance lundi, a de quoi faire bien des envieux parmi les voisins européens.

Le déficit budgétaire, c'est-à-dire le nouvel endettement du seul État fédéral, atteindra certes le niveau historique de 65 milliards d'euros cette année, selon le document du ministère des Finances. Mais c'est 15 milliards de moins que prévu précédemment.

Même schéma pour 2011: le déficit de l'État fédéral, l'une des composantes du déficit «public» pris en compte par le Pacte de stabilité européen, se montera à 57,5 milliards d'euros contre 76,6 milliards d'euros prévus auparavant.

Et il devrait descendre progressivement à 24,1 milliards d'euros en 2014, conformément aux objectifs d'assainissement des finances publiques désormais inscrits dans la Loi fédérale, la Constitution allemande.

La fonte des déficits s'explique en premier lieu par l'éclatante santé du marché du travail, qui permettra à Berlin d'économiser l'an prochain pas moins de 10 milliards d'euros pour indemniser les chômeurs.

Le ministre de l'Économie, Rainer Brüderle, parle même de «miracle de l'emploi», alors que le taux de chômage s'établit désormais à 7,5%. Les usines allemandes, fortement exportatrices, tournent à plein sur fond de reprise de l'économie internationale.

Fort de ces bons chiffres, le gouvernement ne se prive pas sa planification budgétaire d'un petit sermon à l'adresse des autres pays européens.

«Dans les mois à venir, il s'agira avant toute chose que les pays de la zone euro - et les autres - prennent résolument le chemin de la consolidation des budgets publics», selon ce texte.

Et Berlin d'enfoncer le clou: «L'Allemagne joue dans ce contexte un rôle de modèle dans la zone euro.»

Voilà qui pourrait faire grincer des dents dans bien des chancelleries, alors que le cap adopté par l'Allemagne agace certains États qui préféreraient soutenir une reprise encore fragile.

Le débat n'est pas qu'européen: les États-Unis critiquent en effet régulièrement l'austérité de Berlin.

Les plus sceptiques face à la politique budgétaire allemande pourront se consoler en constatant que les prévisions du gouvernement reposent sur quelques inconnues.

La première est la croissance. Berlin se base sur des prévisions jugées réalistes par les économistes (1,4% de croissance cette année, 1,6% l'an prochain) mais la première économie européenne, très dépendante de son commerce extérieur, serait la plus durement touchée en cas de rechute dans la crise.

Par ailleurs, ces prévisions budgétaires incorporent des recettes fiscales qui n'existent pas encore, comme, à partir de 2012, une taxe sur les transactions financières ou encore, dès l'an prochain, un impôt sur l'énergie nucléaire.

Mais la taxe sur les transactions financières dépend en grande partie d'un accord européen en la matière, Berlin ayant déjà prévenu qu'il ne prendrait pas le risque d'en imposer une en solo.

Quant à celle sur le nucléaire, censée compenser l'allongement de la durée de vie des réacteurs promis aux groupes d'énergie, elle est encore très incertaine. Or, cette taxe doit rapporter pas moins de 2,3 milliards d'euros par an aux caisses de l'État fédéral.