Les meilleures idées nous pendent parfois au bout du nez. Littéralement.

Alors qu'Apollo Segawa travaillait comme consultant dans la province du Limpopo, pour montrer à des fermiers comment transformer leurs récoltes en produits qui se commercialisent, il a remarqué les fruits qui pourrissaient dans les bananiers Aucun supermarché ne voulait de ces petites bananes au goût prononcé.

Mais pourquoi ne pas les récolter pour en faire du jus ? s'est demandé cet expert en procédés alimentaires. «En Ouganda, mon pays d'origine, les fermiers utilisent ces bananes pour faire du jus. Mais ici, ils n'avaient jamais rien essayé de tel», raconte Apollo Segawa.

Ses premiers tests n'ont pas été concluants. La moitié des personnes à qui il fait goûter son jus ont adoré. Mais l'autre moitié a détesté. D'où sa décision de mélanger le jus de cette banane à d'autres jus.

Car Apollo Segawa ne tarit pas d'éloges pour la banane Piesang Awak. Comme elle n'est pas vulnérable aux maladies, on n'a pas besoin d'utiliser de pesticides pour la protéger.

Une analyse nutritionnelle a aussi démontré qu'elle contient trois fois plus de potasse et de vitamine B que les bananes couramment consommées en Afrique du Sud. Son pouvoir sucrant élevé permet aussi de remplacer le jus de pomme tout en augmentant l'effet de satiété.

«C'est une super banane», s'enthousiasme-t-il.

Apollo Segawa a développé le procédé d'extraction du jus durant sa maîtrise en technologies alimentaires à l'Université Wits de Johannesburg. Mais encore fallait-il trouver un approvisionnement fiable en bananes !

Avec l'aide de l'université et de la fondation Fuchs, Apollo Segawa a établi une ferme-pilote dans un centre de recherche du gouvernement près de Nelspruit, dans la province du Mpumalanga, au nord-est du pays. Puis, il a enseigné aux fermiers locaux comment récolter cette banane.

Le jus de banane est extrait dans une petite usine située à White River. Ensuite, les barriques de jus sont acheminées par camion à la petite usine de transformation et d'embouteillage de Midrand, au nord de Johannesburg. C'est la fondation Enablis qui a financé cette usine en échange d'une participation au capital de l'entreprise, après que Apollo Segawa eut remporté son concours des meilleurs plans d'affaires en 2008.

Derrière un bed & breakfast, entouré de ranchs où galopent librement des chevaux, cet emplacement bucolique semble incongru. Mais avec sa proximité à l'autoroute qui relie Johannesburg à Pretoria, deux grands centres urbains, il est stratégique. C'est ainsi qu'Exotic Banana Products peut aisément approvisionner les épiceries Pick n Pay, Shoprite et autres où s'achètent les huit jus de marque Simply Natures.

Avec un chiffre d'affaires qui devrait dépasser les 2 millions de rands cette année ( 275 000 dollars), l'entreprise est encore artisanale. Une dizaine de travailleurs mélangent, pasteurisent et embouteillent des jus en cette chaude journée d'hiver. Mais cet homme d'affaires de 34 ans voit grand.

«Pourquoi importer du jus de pomme, alors que nous pourrions utiliser nos cultures locales et créer de la richesse en Afrique sub-saharienne ? demande Apollo Segawa. C'est à nous de faire connaître ce jus de banane et de l'exporter à travers le monde.»