La monnaie chinoise a atteint un plus haut en cinq ans vis-à-vis du dollar lundi, après l'engagement de Pékin en faveur d'une plus grande flexibilité de son taux de change, qui n'a toutefois pas convaincu les plus ardents pourfendeurs de la sous-évaluation du yuan.

La Banque centrale a affirmé samedi son intention de poursuivre la réforme de son taux de change et d'insuffler plus de souplesse au système, ce qui a été interprété comme le signe que la monnaie chinoise allait être désarrimée du dollar et recommencer à s'apprécier contre le billet vert.

Les marchés ont réagi avec enthousiasme lundi. Le yuan a notamment atteint son plus fort niveau vis-à-vis du dollar en cinq ans sur le marché interbancaire, selon l'agence Dow Jones Newswires.

Il s'échangeait dans l'après-midi à 6,7974 contre le dollar US, du jamais vu depuis la réforme du taux de change du yuan de juillet 2005 et sa réévaluation de 8,28 yuans à 8,11 contre le dollar.

Pourtant, les annonces du week-end ne se sont traduites par aucune mesure immédiate: la Banque centrale a notamment gardé lundi le même cours pivot entre yuan et dollar que vendredi. Une fois ce cours quotidien fixé, le yuan est autorisé à fluctuer vis-à-vis du dollar dans une bande de plus ou moins 0,5%.

Certains analystes ont mis l'accent sur le côté «effet d'annonce» des déclarations de la Banque centrale, une semaine avant le sommet du G20 les 27 et 27 juin à Toronto.

Cela «va prévenir une partie des critiques que la Chine aurait affrontées à la réunion du G20», a commenté Mitul Kotecha de Crédit Agricole CIB dans une note.

«Ceci est manifestement une tentative pour empêcher d'être pris pour cible au G20», a aussi estimé Willy Lam, de la Chinese University à Hong Kong.

Pour le professeur, «l'appréciation va être très limitée, au mieux 5% dans les douze prochains mois, donc pas à la hauteur des attentes».

Aux États-Unis, d'où émanent les plus virulentes critiques contre le taux de change du yuan, certains estiment que la monnaie chinoise est sous-évaluée de 40% et que cela avantage éhontément les exportations chinoises.

«L'annonce de la Banque centrale reflète... un fort désir d'éviter le conflit avec Washington», a relevé Andy Rothman, de CLSA (Credit Lyonnais Securities Asia).

Elle n'a cependant pas apaisé les parlementaires américains menant le combat contre la sous-évaluation du yuan. Le sénateur Charles Schumer a indiqué dimanche qu'il entendait faire avancer «dès que possible» un projet de loi en gestation visant à imposer des sanctions sur les importations chinoises.

Les pressions se sont accrues alors que la troisième économie mondiale a retrouvé une forte croissance cette année et a vu ses exportations repartir à la hausse. En mai, son excédent commercial a atteint presque 20 milliards de dollars.

Pressentant l'éclatement de la crise mondiale, la Chine avait ré-amarré sa monnaie au dollar au cours de l'été 2008, aux alentours de 6,8 pour un dollar, privilégiant avant tout la stabilité.

Cela n'avait pas empêché ses exportations -pilier de son économie- d'être frappées de plein fouet à l'automne 2008 par la baisse de la demande étrangère, entraînant une cascade de fermeture d'usines exportatrices et la mise au chômage de millions de travailleurs précaires.

La stabilité reste un maître-mot pour Pékin, comme l'a rappelé la Banque centrale dimanche, en excluant toute appréciation soudaine ou larges mouvements.

Wang Tao, économiste d'UBS estime qu'«il est possible d'arriver assez vite à une appréciation (du yuan) de 3 ou 4% dans les prochaines semaines» contre le dollar mais guère plus étant donné que le yuan s'est déjà fortement apprécié de facto devant un euro en chute.

Mark Williams de Capital Economics table sur des gains plus modestes: de l'ordre de 2% vis-à-vis du dollar, d'ici à la fin de l'année.