Le geste d'ouverture annoncé samedi par Pékin, qui a annoncé une nouvelle flexibilité sur le taux de change du yuan, sera passé au crible au sommet des pays riches et émergents du G20 à Toronto (Canada), alors que les Etats-Unis semblaient près de lui imposer des sanctions.

L'annonce chinoise devrait relâcher la pression sur Pékin, relèvent les experts, mais les dirigeants du G20 vont certainement vouloir évaluer sa portée réelle, et dans quelle mesure Pékin a rempli ses obligations pour participer aux efforts visant à réduire les déséquilibres économiques mondiaux.Cela fait maintenant deux ans que la valeur de la monnaie chinoise n'a pas bougé face au dollar malgré la formidable croissance du pays le plus peuplé du monde, deuxième partenaire commercial des Etats-Unis.

Jusqu'alors, Pékin semblait jouer la montre: vendredi encore le directeur du département international de la banque centrale, Zhang Tao, assurait que le yuan n'était pas au programme du G20.

Pour Fred Bergsten, un ancien secrétaire des Affaires internationales du Trésor américain, aujourd'hui directeur du Peterson Institute for International Economics, «de toute évidence (les Chinois) veulent être perçus comme faisant quelque chose avant la réunion du G20».

«La réaction du G20 à l'initiative chinoise dépendra, je crois, du niveau auquel (Pékin) laissera vraiment évoluer le taux de change au début - dans la première semaine, entre maintenant et le sommet», a-t-il dit à l'AFP.

Le président américain Barack Obama et son administration ont poussé un soupir de soulagement; jusque-là, ils se sentaient un peu floués après avoir joué la conciliation en renonçant à publier en avril un rapport sur les changes qui menaçait de désigner la Chine comme un pays manipulant sa monnaie.

M. Obama a salué samedi une mesure «constructive» et annoncé qu'il comptait en discuter à Toronto.

Cela fait de longues semaines que l'exécutif s'emploie à tempérer des parlementaires pressés d'imposer des sanctions aux produits chinois, au motif que la faiblesse du yuan favorise les exportations chinoises et aggrave le déficit commercial, et par voie de conséquence le chômage.

Les chefs d'Etat et de gouvernement du G20 ont déjà appelé les économies exportatrices bénéficiant d'une balance commerciale excédentaire, comme la Chine, à pousser leur consommation intérieure, tandis que les économies plus riches comme les Etats-Unis devaient réduire leur endettement et leurs déficits.

Sander Levin, l'influent président de la Commission des voies et moyens (affaires fiscales) de la Chambre des Représentants, qui supervise le Commerce extérieur, a souligné samedi qu'«il reste à voir si l'initiative (chinoise) sera plus que symbolique».

Les économistes sont divisés sur la question de savoir si Pékin est prêt à accepter une revalorisation importante du yuan, que beaucoup estiment sous-évalué de 40% face au dollar.

Pour Eswar Prasad, ancien responsable du service chargé de la Chine au Fonds monétaire international, Pékin a donné des indices montrant que la revalorisation sera modeste: le communiqué officiel sur la flexibilité du taux de change relève que l'économie mondiale s'est stabilisée, tandis que l'excédent des comptes courants de la Chine s'est considérablement réduit.

Or si le yuan ne s'apprécie pas fortement et rapidement face au dollar, «la pression politique sur Pékin persistera», a prévenu M. Prasad, aujourd'hui professeur à l'Université Cornell.

Depuis juillet 2008, et la crise économique mondiale, la monnaie chinoise est de fait fixée au taux de 6,8 yuan pour un dollar, alors qu'entre 2005 et 2008 elle avait une marge de fluctuation de 20% autour de cette parité de référence - ce que des parlementaires comme M. Levin jugeaient encore insuffisant.