En dépit des mesures ambitieuses finalisées lundi par les Européens, les marchés ne sont toujours pas rassurés et redoutent désormais que les plans d'austérité finissent par tuer la croissance en Europe, à moins qu'un électrochoc positif ne vienne changer la donne.

Les Européens ont acté lundi la création d'un fonds d'urgence pour la zone euro de 440 milliards d'euros, décidé pour enrayer la crise qui touchait la Grèce et menaçait de se propager, et se sont également entendus pour durcir leur discipline budgétaire pour regagner la confiance des marchés.

Cette nouvelle étape n'a pourtant nullement soulagé des investisseurs en proie à l'aversion au risque. Ils avaient toutefois salué avec ferveur l'annonce de ce plan début mai, les indices boursiers s'étant envolés alors dans des proportions historiques. À l'inverse, l'Eurostoxx 50 qui rassemble les principales valeurs européennes a perdu près de 10% en un mois.

Preuve de cette défiance, les valeurs-refuges sont particulièrement prisées: le cours de l'or s'est établi mardi à un niveau-record de 1251,85$ et les taux des obligations allemandes évoluent à leur plus bas niveaux historiques, signe de leur attractivité.

Pour les observateurs de marché, la finalisation lundi du plan de sauvetage a aussi révélé de nouvelles failles dans la solidarité au sein de la zone euro. L'Allemagne a obtenu gain de cause en faisant en sorte que chaque pays ne garantisse que sa part de contribution dans les prêts qui seraient octroyés, au détriment d'une garantie européenne globale envisagée au départ .

En outre, certaines mesures comme l'examen des budgets nationaux au niveau européen restent floues, ce qui ajoute à la défiance ambiante.

Pour Jean-Paul Fitoussi, directeur à l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), «les réponses apportées lundi ont trait à des problèmes qui auraient nécessité une réponse immédiate il y a plusieurs mois», preuve, selon lui, du manque de réactivité de la zone euro.

À ces retards à l'allumage viennent se greffer les politiques de rigueur mises en place en zone euro, qui font peser un risque sur la croissance, selon certains analystes

«Des mesures d'austérité sont mises en place y compris dans les pays qui ne se portent pas trop mal, et de façon prématurée et concomitante», juge ainsi Eric Le Coz, membre du comité d'investissement de la société de gestion Carmignac.

Première économie de la zone euro, l'Allemagne vient d'annoncer un budget 2011 devant permettre d'économiser 11 milliards d'euros.

«Le programme annoncé lundi par Angela Merkel est contre-productif. Il tue la croissance en Europe», estime M. Fitoussi, «parce que c'est un pays qui n'a pas objectivement de difficultés budgétaires», affirme-t-il.

«On aurait pu légitimer à la limite que les pays les plus endettés (de la zonez euro) mettent en place des programmes de rigueur à la condition que les pays les moins touchés lancent des programmes de relance», poursuit-il.

En outre, ces annonces de rigueur traduisent bien souvent des problématiques de politique interne, relève de son côté Jean-Louis Mourier, économiste chez le courtier Aurel, citant le cas allemand et les inquiétudes sur la Hongrie, après des propos alarmistes de dirigeants au pouvoir.

Dans ce contexte de nervosité, les investisseurs auront besoin de «plans de rigueur mesurés» pour prouver qu'ils ne vont pas provoquer une rechute, ce que craignent les marchés aujourd'hui, affirme M. Mourier.

Plus pessimiste, M. Fitoussi récuse cette hypothèse, estimant que les pays de la zone euro peinent à prendre les mesures qui s'imposent pour sortir de la crise et vont donc rester «très longtemps en-dessous du sentier de croissance normale».