Des euro-sceptiques allemands doivent déposer plainte vendredi auprès de la Cour constitutionnelle pour tenter de bloquer le versement par Berlin de l'aide financière promise à la Grèce, a indiqué l'un d'eux à l'AFP jeudi.

La plainte sera déposée vendredi midi juste après le vote du Bundestag (chambre basse du parlement) et sans attendre ni celui du Bundesrat (chambre haute, représentant les régions) ni la promulgation de la loi par le président Horst Köhler, selon un communiqué commun des plaignants.

L'objectif premier est que les juges de Karlsruhe (ouest) bloquent en référé le versement des crédits promis à Athènes puis qu'ils se prononcent ultérieurement sur le fond du dossier, a expliqué à l'AFP Joachim Starbatty, professeur de droit et eurosceptique notoire.

Les plaignants sont quatre juristes qui avaient déjà saisi la Cour constitutionnelle en 1998 contre l'introduction de l'euro, sans succès, et un chef d'entreprise. Certains médias les surnomment le «Cercle du Deutschemark disparu».

D'une part, «le traité de Lisbonne interdit à un pays membre d'en aider un autre en détresse financière», dit M. Starbatty. De l'autre, l'Allemagne en vertu de sa Constitution ne peut appartenir qu'à une communauté dont la monnaie est stable et ce principe est actuellement bafoué, selon lui.

«Ce qui est en jeu, c'est davantage que le paiement de 8,4 milliards d'euros par l'Allemagne (cette année pour la Grèce), il en va de la stabilité de la monnaie comme fondement de l'Union monétaire et également du destin économique et social de tous les citoyens de l'Union monétaire», arguent les plaignants dans leur communiqué.

Ils rêvent d'une sortie de la Grèce de la zone euro, et si tel n'est pas le cas, jugent que l'Allemagne doit alors la quitter.

Les juges de Karlsruhe peuvent en théorie rendre en quelques heures une décision qui suspende tout versement des aides. Ils ont déjà dans le passé pris des décisions très rapides concernant par exemple des manifestations de militants anti-nucléaire, néo-nazis ou encore concernant des expulsions de demandeurs d'asile déboutés.

Dans les faits toutefois, on soulignait de sources juridiques à Karlsruhe que la plainte était vaine : les juges vont selon toute vraisemblance refuser de se saisir du dossier et éventuellement renvoyer aux autorités judiciaires européennes car il en va de la zone euro et d'une décision de l'Union européenne, selon ces juristes.

Le ministre des Finances Wolfgang Schäuble est confiant : le plan d'aide a été «minutieusement ficelé, il s'agit d'une aide volontaire des pays de la zone euro à un pays membre, grâce à laquelle nous assurons la stabilité de la zone euro tout entière», a-t-il dit cette semaine.

Pour sa collègue à la Justice Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, les plaignants doivent, pour avoir une chance de gagner, arguer que «leurs droits ont été violés» mais ce point de vue est «indéfendable». Les citoyens ne disposent d'aucun instrument juridique pour contester auprès de Karlsruhe «un programme budgétaire, une prime à la casse ou encore ces crédits» à la Grèce, c'est pourquoi la plainte annoncée n'a aucune chance de succès, a-t-elle dit.