Si vous considérez que la réaction à la crise grecque est exagérée, alors vous êtes dans le camp des optimistes. Si vous pensez que le pire est peut-être passé, alors vous êtes prudent. Si vous croyez plutôt que le pays du bouzouki est le premier d'une série de dominos à tomber qui replongera l'économie mondiale en récession, vous êtes un pessimiste.

Douglas Porter se présente comme un optimiste prudent. «La crise actuelle est beaucoup plus grave que l'épisode de Dubai World, en novembre», disait-il hier en marge d'une présentation devant des clients corporatifs de BMO marchés des capitaux dont il est l'économiste en chef désigné.

 

La société holding de l'émirat s'était dite incapable d'honorer le service d'une dette de 22 milliards, ce qui avait fait paniquer les marchés durant plusieurs jours.

La situation actuelle s'apparente plutôt par son ampleur à celle qui a secoué la Corée du Sud, Hong-Kong, la Malaisie et la Thaïlande en 1997. Cette fois-ci, cependant, ce n'est pas la spéculation immobilière mais l'endettement rapide et inquiétant de plusieurs États membres de la zone euro qui a servi de déclencheur.

«Ultimement, prédit-il, il pourrait y avoir restructuration de la dette grecque», ce qui impliquerait de lourdes pertes pour ses détenteurs, les banques européennes au premier plan. Et de plus lourds sacrifices encore pour les populations, car le pays aura encore plus de mal à trouver preneur pour sa dette, dans l'hypothèse où il y parvient. La décision sera d'ordre politique et n'est pas imminente, si les pays membres de la zone euro adoptent tous le plan de sauvetage échelonné sur trois ans.

Craintes de contagion

En attendant, les détenteurs de capitaux craignent la contagion et la réticence de pays comme l'Allemagne à plonger plusieurs fois dans leurs poches.

Après la Grèce, les investisseurs parient que le prochain domino sera le Portugal, dont les obligations à long terme (10 ans) se négociaient hier avec un écart de 294 centièmes sur les titres allemands de même échéance.

Selon M. Porter, les finances publiques lusitaniennes sont aujourd'hui dans le même état de délabrement que les canadiennes au début des années 90. Le Portugal n'est cependant pas maître de sa politique monétaire ni de sa monnaie.

Le risque de contagion est réel, croit M. Porter, mais il penche plutôt vers une résorption douloureuse qui mettra du temps et qui ralentira la reprise en Europe.

Il se pourrait bien que l'euro-groupe soit amputé de quelques membres, au bout du compte. Chose certaine, la traversée sera trouble (messy).

Douglas Porter se montre beaucoup plus optimiste vis-à-vis de l'Espagne, malgré l'ampleur du chômage qui y sévit. Son niveau d'endettement et son déficit sont de moindre ampleur que ceux du Royaume-Uni ou des États-Unis.

La reprise au pays de Barack Obama est bien enclenchée, ce qui permet d'espérer un déficit de moindre ampleur. Il reste cependant monstrueux. «Même en dépensant 1000$ à la seconde, il faudrait mettre 45 ans pour atteindre 1400 milliards!» fait-il remarquer.

Dans cet environnement, le déficit canadien paraît beaucoup plus facilement gérable, même en y ajoutant ceux des provinces.

Voilà qui explique pourquoi le Canada devient attrayant. Même la banque centrale de Russie a acheté des dollars canadiens pour diversifier ses réserves.

La situation tendue en Europe et la faiblesse relative du consommateur américain estompent les perspectives des exportateurs canadiens. Ils doivent en outre composer avec une monnaie qui devrait revenir au dessus de la parité avec le billet vert quand l'Europe fera moins peur aux investisseurs.

La Chine représente toujours une belle perspective. M. Porter croit que Pékin prend des mesures pour contenir la surchauffe. Les autorités ne veulent pas freiner l'économie, mais la voir décélérer. «Même à 9% de croissance au lieu de 10% ou 11%, ça reste intéressant pour le Canada», dit M. Porter.