Le très influent Financial Times a suggéré, il y a quelques jours, aux pays de la zone euro fragilisés par la crise de la dette grecque de réformer leur marché du travail pour le rendre plus flexible et réduire les coûts d'embauche et de congédiement.

L'idée ne sourit pas - mais pas du tout - à Mafalda Costa. «C'est plus qu'insultant d'entendre ça. Le pire, c'est qu'il y a des gens au Portugal qui soutiennent cette approche», s'emporte-t-elle.

 

L'agacement de l'architecte de 33 ans est plus que compréhensible lorsqu'on sait qu'elle était rémunérée, jusqu'à tout récemment, par un singulier système de recibos verdes - les reçus verts - qui place les travailleurs dans une situation de grande précarité.

Introduit dans les années 80, ce système devait faciliter les échanges de services ponctuels entre professionnels et clients, mais il s'est imposé illégalement au fil des ans dans un grand nombre de secteurs en remplacement d'emplois contractuels classiques.

Congédiements cavaliers

Les personnes rémunérées de cette façon ont toutes les obligations d'employés à temps plein, mais aucun des droits. Ils doivent respecter les horaires et la hiérarchie, contribuer une somme fixe pour la sécurité sociale, mais n'ont pas de vacances payées. En prime, ils peuvent être congédiés en tout temps sans pouvoir accéder à l'assurance chômage.

C'est ce qui est arrivé à Mme Costa il y a deux mois. «Ils m'ont renvoyée sous prétexte qu'il n'y avait plus de travail. Un mois plus tard, il y avait quelqu'un à ma place recevant un salaire inférieur», dit la jeune femme.

Elle avait été congédiée aussi cavalièrement par une autre firme quelques années plus tôt après être tombée enceinte de sa fille Lua, aujourd'hui âgée de 3 ans.

Le scénario est monnaie courante au Portugal. «Ça arrive tellement souvent que ça semble presque normal», souligne-t-elle.

L'organisation des Précaires inflexibles, qui milite contre la précarisation du marché du travail, estime que près de 20% des travailleurs portugais seraient aujourd'hui soumis au système de recibo verde.

L'un des fondateurs du mouvement, Tiago Gillot, souligne qu'il est difficile de mobiliser les travailleurs puisque plusieurs ont peur d'être sanctionnés. Et l'État n'est pas pressé d'agir «puisqu'il est l'un des principaux utilisateurs» du système.

Dans l'espoir de faire bouger les choses, Mafalda Costa a décidé de poursuivre son ancien employeur pour congédiement illégal. Elle a parallèlement décidé de se détourner de l'architecture pour monter sa propre entreprise de réfection de meubles.

Une transition qui n'est rendue possible que par le fait que son conjoint, informaticien, dispose toujours d'un contrat digne de ce nom. «On croise les doigts», dit-elle.