À mesure qu'empire la crise grecque, investisseurs et économistes envisagent désormais ouvertement une contagion à l'ensemble de la zone euro. Au départ «test» pour la monnaie unique, l'épisode grec est aujourd'hui devenu «une menace réelle» pour sa survie. Un scénario qui révèle les faiblesses de l'union monétaire et l'absence de gouvernance économique autant que politique à l'échelle de la région.

«Tout cela est l'échec cuisant de la zone euro, à la fois au niveau économique et politique. Ce n'est pas seulement un mouvement de spéculation, estime l'économiste Marc Touati, directeur général de Global Equities, joint par l'Associated Press. On paie aujourd'hui un manque de discernement, un manque de gouvernance économique et politique.» «La gestion de la crise par les autorités européennes est catastrophique», résume pour sa part Nordine Naam, stratège en obligations chez Natixis.

Résultat, en partie, de ces manquements, la crise grecque en est aussi le révélateur, et pourrait même, pour certains économistes, marquer «le point de non-retour» pour la zone euro.

«La crise grecque a révélé de manière assez brutale la différence entre la rhétorique et la réalité dans la zone euro», estime Simon Tilford, chef économiste au Centre pour la réforme européenne. «L'Union européenne est en retard depuis le début, elle réagit aux événements plutôt que d'essayer d'un exercer un peu de contrôle. Depuis trois ou quatre mois, elle a, en gros, cédé le contrôle aux marchés».

Symbole de cette absence de coordination européenne, l'Allemagne, qui tarde, pour des raisons de politique intérieure, à assumer sa part du plan de sauvetage de la Grèce prévu par l'UE et le Fonds monétaire international (FMI). Si la réticence de Berlin à soutenir Athènes n'a fait qu'aggraver la situation en renforçant les craintes des marchés, c'est l'attitude générale du gouvernement d'Angela Merkel vis-à-vis de ses partenaires européens qui inquiète.

«Le débat au sein du gouvernement allemand est devenu tellement dépendant des questions de politique intérieure que c'est aujourd'hui une véritable inquiétude. Le ton est de plus en plus populiste, juge Simon Tilford. Ce qui se passe en Allemagne est un grave problème pour l'Europe». Pour Nordine Naam, «l'égoïsme national domine (...) C'est une Europe à deux vitesses qui se crée».

Dès lors, quelles solutions pour la Grèce et, plus largement, pour l'euro? «Si on ne fait rien, la solution ultime, c'est la sortie de la Grèce de la zone euro: le retour à la monnaie nationale, sa dépréciation et le rééchelonnement de sa dette. Mais cela veut dire, à terme, la fin de la zone euro», explique Marc Touati.

Quoi qu'il arrive, le système actuel n'est plus tenable, selon Simon Tilford. Il faut accepter une forme d'union fiscale, sinon il est difficile de voir comment l'organisation actuelle peut perdurer», souligne-t-il. Il faut une forme de gouvernance économique, mais il n'y a même pas d'accord sur ce que signifie dans les faits la gouvernance économique.»

La sortie d'un membre de la zone euro apparaît donc comme l'ultime recours. Favorable à un système de contrôle plus strict des finances des États membres, Angela Merkel s'était prononcée en mars pour la possibilité d'exclure de la zone une nation enfreignant «de manière répétée» les critères de Maastricht. Une hypothèse qui nécessiterait une modification des traités régissant l'UE.

«Il est facile de croire que l'organisation actuelle est gravée dans le marbre, estime Simon Tilford. Mais il est aussi difficile d'envisager le départ d'un des membres en difficulté tant que sa sortie n'a pas été négociée.»