Le plan d'aide à la Grèce sème la zizanie dans la famille européenne, l'Italie critiquant ouvertement lundi la «rigidité» de l'Allemagne qui maintient son refus de payer tant que la Grèce n'aura pas présenté d'abord un programme crédible d'économies.

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle a fait de nouveau entendre la partition allemande lundi devant ses pairs européens réunis à Luxembourg pour parler notamment du projet de service d'action diplomatique européen, l'instrument qui doit permettre à l'Europe de parler d'une seule voix dans le monde.

Mais sur la Grèce, c'est plutôt la cacophonie au sein de l'orchestre européen.

«Faire trop tôt des promesses d'aide concrète ne va que conduire à retirer la pression sur la Grèce», a affirmé M. Westerwelle à la presse en arrivant.

«Il n'est pas possible que le contribuable européen soit tenu responsable, comme si cela allait de soi, du mauvais comportement de certains pays», a-t-il insisté.

Accablé par une dette record, Athènes a demandé vendredi l'activation de ce programme de prêts évalué à 45 milliards d'euros, dont 30 milliards d'euros apportés par ses partenaires de la zone euro et le reste par le FMI.

Mais Berlin, appelé à être le plus gros contributeur avec 8,4 milliards d'euros et qui doit affronter le 9 mai des élections régionales cruciales, traîne des pieds. Au sein même du camp de la chancelière Angela Merkel, des voix ont suggéré ce week-end qu'Athènes soit exclue de la zone euro.

Cette intransigeance allemande agace de nombreux Européens. Le chef de la diplomatie italienne Franco Frattini n'a pas hésité à dénoncer «la rigidité allemande».

«Il ne devrait y voir aucun doute: si la maison commune est en difficulté, nous devons sauver les murs car nous sommes aussi dans cette maison commune», a insisté à Luxembourg le chef de la diplomatie italienne. «Nous devons trouver un équilibre et ne pas demander l'impossible à la Grèce», a-t-il dit.

L'irritation à l'égard de l'Allemagne, qui désormais place sans hésitation ses intérêts nationaux avant ceux de l'Europe, s'exprime désormais ouvertement au sein de l'UE.

Le président de l'Eurogroupe Jean-Claude Juncker s'est récemment inquiété dans une interview des «grandes réticences qu'il y a (en Allemagne) lorsqu'il s'agit d'Europe», reprochant à Berlin de jeter «en priorité un regard de politique intérieure sur les questions européennes».

Si la situation ne se débloque pas rapidement, une réunion extraordinaire au plus haut niveau des chefs d'Etat et de gouvernements de l'UE pourrait être nécessaire pour dénouer la crise, a dit lundi M. Frattini.

Car le temps presse. «Il n'y a pas de temps à perdre» pour que l'aide «qui s'impose d'urgence soit efficace», a estimé le chef de la diplomatie autrichienne Michael Spindelegger.

Les taux d'intérêt que doit verser la Grèce pour emprunter sur les marchés continuent à s'envoler: ils ont dépassé lundi pour la première fois depuis l'entrée du pays dans la zone euro en 2001 le seuil de 9%.

Côté français, on s'efforce de ménager le partenaire allemand. La ministre des Finances Christine Lagarde a expliqué dimanche dans une interview que si l'Europe devait être solidaire, elle ne pouvait être «complaisante».

«Il nous faudra des mécanismes de contrôle pour que l'on soit certain de ne pas tomber dans un puits sans fonds», a-t-elle expliqué.

Le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos dont le pays préside actuellement l'UE, s'est voulu optimiste.

Les pays de la zone euro sauront «rapidement exprimer leur solidarité à la Grèce» et «cela implique logiquement l'Allemagne et la France» a-t-il dit.