La pression sur la Grèce s'est brutalement renforcée jeudi avec une réévaluation par Bruxelles de son déficit public qui a entraîné une forte tension sur les marchés financiers tandis que le gouvernement continue d'exclure un possible défaut.

L'Office européen des statistiques a une nouvelle fois revu à la hausse le déficit grec, à 13,6% du PIB, contre 12,9% annoncé jusqu'ici par Athènes.

Cela «ne change pas l'objectif que nous avons fixé pour 2010 de réduire le déficit de 4 points de pourcentage, car nous avons déjà pris des décisions difficiles, qui vont même nous permettre de dépasser cet objectif», a assuré le premier ministre Georges Papandréou.

Mais l'agence de notation Moody's a abaissé la note de la Grèce d'un cran, à A3, et prévenu qu'elle l'abaisserait sans doute de nouveau, au motif qu'elle doutait de la capacité de la Grèce à atteindre cet objectif.

Effet de cette dégradation, la monnaie européenne est tombée à son plus bas depuis près d'un an, tandis que les Bourses européennes ont terminé en baisse, celle d'Athènes cédant près de 4% à la clôture.

Et sur le marché obligataire, l'inquiétude sur la solvabilité de la Grèce a eu des retombées sur d'autres pays de la zone euro, également lourdement endettés, comme le Portugal et l'Irlande.

Les taux d'intérêt des obligations grecques à 10 ans ont ainsi battu leur record de la veille, dépassant les 8,7%, quand l'Allemagne peut se contenter d'offrir un peu plus de 3% à échéance comparable.

L'aggravation du déficit, qui signifie que la Grèce va devoir s'endetter davantage pour le résorber, et en payant des taux chaque jour plus prohibitifs, a ravivé la crainte que le pays ne puisse plus honorer ses échéances et se voie contraint de restructurer sa dette.

«Certains sur les marchés sont persuadés que la Grèce va se trouver dans la situation de l'Argentine», qui avait décrété un moratoire sur sa dette fin  2001, «ou être obligée de rééchelonner sa dette», a expliqué Jean-François Robin, stratégiste obligataire chez Natixis.

Une éventualité à laquelle le ministre des Finances, Georges Papaconstantinou, a toutefois opposé un «non catégorique».

Restructurer sa dette, «c'est un concept dont non seulement nous n'usons pas, mais qui n'a pas été discuté, ni par la Commission européenne ni par le FMI (Fonds monétaire international), et qui n'est pas dans nos intentions», a-t-il dit.

«Ce n'est pas une question sur laquelle nous travaillons», a renchéri Dominique Strauss-Kahn, le directeur général du FMI.

Pour Erik Nielsen, chef économiste de Goldman Sachs pour l'Europe, une renégociation volontaire de la dette, couplée au «paquet» promis par l'Union européenne (UE) et le FMI, serait pourtant le «meilleur scénario» car il donnerait au gouvernement grec de «l'oxygène pendant bien plus longtemps pour entreprendre les réformes nécessaires».

De nombreux experts estiment en effet que l'aide promise par l'UE et le FMI, soit quelque 45 milliards d'euros (60 milliards CAN) sur trois ans, va permettre de soulager la Grèce momentanément, sans alléger le fardeau de sa dette qui devrait pendant ce temps continuer de s'alourdir.

Encore faut-il que ce soutien financier, dont Athènes négocie les conditions depuis mercredi avec des experts européens et du FMI, ne tarde pas trop, ce que les marchés commencent à craindre.

D'autant que la Grèce doit rembourser le 19 mai une ligne de 8,5 milliards d'euros (11,3 milliards CAN).

Sur le front social, l'administration grecque était paralysée et les transports maritimes perturbés par une grève de 24 heures dans la fonction publique, la quatrième depuis le début de l'année contre l'austérité.