Plusieurs centaines d'employés d'une usine française de fabrication de pneumatiques fermée en début d'année viennent de se faire proposer un poste de remplacement en Tunisie pour... 185$ brut par mois.

Le délégué syndical de l'usine, Xavier Mathieu, a décrit la proposition de la firme Continental comme une «provocation» à l'égard des salariés.

«Quel cynisme. Même les Tunisiens ne veulent pas de ces postes», a déclaré M. Mathieu, qui mène depuis des mois une bataille très médiatisée contre son employeur pour le forcer à revenir sur sa décision de fermeture.

La direction de Continental affirme n'avoir pas le choix de proposer le reclassement en question à ses employés même si elle consciente qu'il s'agit d'une offre sans intérêt.

«Nous sommes pris entre le marteau et l'enclume», a expliqué la semaine dernière un porte-parole, en relevant que l'entreprise avait le choix entre susciter l'ire de ses employés et du public ou s'exposer à de coûteuses poursuites judiciaires.

La loi française sur la «modernisation sociale», adoptée en 2002, prévoit que le licenciement d'un employé ne peut survenir qu'après lui avoir proposé un reclassement sur un emploi équivalent ou, à défaut, sur un emploi «de catégorie inférieure» dans les autres filiales du groupe, incluant à l'étranger.

En mai dernier, le fabricant de chaussettes Olympia s'est vu infliger une amende de plusieurs millions de dollars parce qu'il avait omis de proposer à des employés licenciés en France des postes en Roumanie à 200$ par mois.

Sensiblement au même moment, un fabricant de textile s'est retrouvé sous le feu des médias pour avoir proposé à des employés licenciés d'aller travailler en Inde pour un salaire de 100$ par mois.

La Cour de cassation, plus haute instance administrative française, a déjà précisé que les offres de reclassement devaient être «sérieuses» sans pour autant clarifier les critères à considérer, ce qui laisse les entreprises dans un vide juridique.

Des élus centristes avaient déposé, l'année dernière, un projet de loi visant à garantir que les offres de reclassement portent sur des postes à rémunération équivalente. Ces mêmes élus sont revenus à la charge en réaction à l'offre de Continental, jugée «indécente, hypocrite et immorale».

L'affaire survient dans un climat social tendu marqué par une hausse conséquente du taux de chômage, aujourd'hui supérieur à 10%.

La semaine dernière, des employés d'une autre usine du secteur de l'automobile, à Crépy-sur-Valois, au nord-est de Paris, ont menacé de faire sauter l'établissement en mettant le feu à une citerne de gaz.

Les salariés de Sodimatex réclament une révision à la hausse de l'indemnité de départ prévue de 6000$ à plus de 35 000$.

Une entente a été conclue au cours de la fin de semaine pour permettre la reprise des pourparlers, mais les syndicats préviennent d'ores et déjà qu'ils reprendront leurs moyens de pression en cas de blocage.

Plusieurs employés désespérés ont utilisé des techniques violentes au cours de la dernière année, s'en prenant physiquement aux dirigeants ou menaçant de détruire leur ancien lieu de travail. Dans la quasi-totalité des cas, les affrontements se sont réglés pacifiquement par une majoration des indemnités de départ.

Les menaces visent souvent à attirer l'attention des médias pour augmenter la pression sur les employeurs et les élus.

«Si on ne fait pas parler de nous, si on ne menace pas, personne ne s'intéresse à nous», a souligné la semaine dernière l'un des syndiqués de Sodimatex.