Le secteur bancaire irlandais a vécu mardi un véritable «big bang», le gouvernement ayant dévoilé un plan de sauvetage qui devrait lui donner le contrôle total ou partiel de cinq des plus grandes banques du pays, via l'injection de milliards d'euros de capitaux publics.

«Après avoir stabilisé nos finances publiques, nous devons avancer vers l'étape finale de la stabilisation de notre système bancaire», a assuré le ministre des Finances Brian Lenihan, d'un ton décidé, en présentant ce plan devant le Parlement.

Le gouvernement, a-t-il révélé, va injecter dans un premier temps 8,3 milliards d'euros dans l'Anglo Irish Bank, qu'il avait déjà nationalisée début 2009, en attendant une éventuelle recapitalisation supplémentaire, qui pourrait atteindre encore 10 milliards d'euros.

L'État va également aider à se recapitaliser les groupes bancaires cotés Allied Irish Banks (AIB) et Bank of Ireland (BofI), après avoir déjà apporté à chacun 3,5 milliards d'euros.

Du coup, il devrait devenir «l'actionnaire majoritaire» d'AIB, dont il détenait déjà 25% du capital, et devrait «rester actionnaire minoritaire» de BofI, dont il possède actuellement 16%. La presse avait estimé, avant ces annonces, qu'il pourrait prendre autour de 70% du capital d'AIB et de 40% de celui de BofI, ce qui avait fait s'effondrer leurs cours de Bourse.

Enfin, le gouvernement va recapitaliser deux établissements de crédit mutualistes, de taille bien plus modeste, l'Irish Nationwide et l'EBS, ce qui va conduire à leur nationalisation de facto, a ajouté M. Lenihan.

Ces décisions sont soumises à l'accord de la Commission européenne, qui devra veiller à ce qu'elles respectent bien le droit communautaire sur les aides d'État.

Ce plan de sauvetage massif a été précipité par la mise en place de la National Asset Management Agency (NAMA), la banque de défaisance (ou «bad bank») créée par Dublin pour délester les principaux groupes bancaires irlandais de leurs actifs pourris, c'est-à-dire des prêts risqués accumulés avant la crise du crédit.

La NAMA a annoncé ce mardi qu'elle allait racheter d'ici à début avril aux cinq banques visées par le plan de sauvetage gouvernemental un premier bloc de prêts toxiques, d'une valeur nominale de 16 milliards d'euros, avec une décote énorme (47% en moyenne), sur un montant total de 81 milliards prévus d'ici à début 2011.

Or, cet énorme rabais (bien supérieur à la décote de 30% envisagée à l'automne dernier) va obliger les banques concernées à passer d'énormes pertes dans leurs comptes, d'où la nécessité urgente de renforcer leurs fonds propres, avec l'aide de l'État.

En tout, les banques concernées par le transfert des prêts à la NAMA devraient avoir besoin de lever autour de 32 milliards d'euros, pour respecter les exigences de la Banque centrale irlandaise en matière de fonds propres.

M. Lenihan a martelé devant les parlementaires irlandais que la recapitalisation publique était «la moins pire des solutions», pour aider le système bancaire à tourner définitivement la page de la crise.

Mais Richard Bruton, porte-parole pour les finances du Fine Gael, principal parti d'opposition, s'est dit «profondément choqué» par ce plan, qui «va doubler d'un seul coup la dette nationale».

L'Irlande est l'un des pays développés les plus touchés par la crise. L'ex-Tigre Celtique, surnommé ainsi autrefois en raison de ses taux de croissance records, a été le premier membre de la zone euro à entrer en récession début 2008, et y est resté plongé depuis.

L'économique irlandaise a subi une chute record de 7,1% en 2009, et les autorités ne tablent sur un retour de la croissance qu'au deuxième semestre de cette année.