Des sénateurs américains ont décidé de s'attaquer à la manipulation des devises en déposant mardi un projet de loi visant implicitement la Chine, soupçonnée de sous-évaluer sa monnaie afin de stimuler ses exportations.

Ce texte destiné à réformer et renforcer la surveillance des taux de change par les autorités monétaires américaines et le département du Commerce, ne mentionne pas la Chine.

Mais les sénateurs désignent ouvertement Pékin comme le principal manipulateur de devises. «La manipulation de la monnaie chinoise a contribué à la récession mondiale et maintenant elle entrave la reprise», a lancé le sénateur démocrate Charles Schumer, principal auteur du projet de loi, lors d'une conférence de presse.

M. Schumer s'est vanté de bénéficier d'un «consensus» au Sénat sur cette mesure. L'élu s'exprimait aux côtés de quatre autres sénateurs qui soutiennent le projet de loi, les démocrates Sherrod Brown et Debbie Stabenow, et les républicains Sam Brownback et Lindsey Graham.

Le chef de la majorité démocrate, Harry Reid, a déclaré pour sa part qu'il n'y avait «aucune raison» de ne pas examiner la question au Sénat.

Le texte confirme l'obligation pour le Trésor d'identifier les pays sous-évaluant sciemment leur monnaie. Le Trésor doit également, selon le projet de loi, engager des «consultations immédiates» avec ces pays. Le texte prévoit ensuite que le département du Commerce enquête sur les monnaies sous-évaluées.

Il prévoit une réponse graduée aux soupçons de manipulations.

Dans un premier temps, un pays inscrit par le Trésor sur la liste «prioritaire» pourrait se voir retirer la dénomination «économie de marché» dans le cadre des lois américaines d'anti-dumping, ce qui pénaliserait ses exportations, le pays subissant un calcul anti-dumping défavorable.

Washington devrait également s'opposer à toute mesure du Fonds monétaire international (FMI) susceptible de bénéficier à un pays désigné comme sous-évaluant sa monnaie.

Si le pays concerné ne fait rien dans les 90 jours pour rectifier le taux de change de sa monnaie, le texte interdirait à l'État fédéral américain d'acheter des biens issus du pays visé, sauf si ce pays est signataire de l'accord multilatéral sur les marchés publics de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ce qui n'est pas le cas de la Chine.

L'exécutif aurait pour obligation de demander au FMI d'engager des discussions spéciales avec les pays désignés sur leur politique monétaire.

Enfin, si rien ne change dans les 360 jours, le représentant américain au commerce (USTR) se verrait obligé de saisir l'OMC sur les cas de sous-évaluation présumés.

En outre, le Trésor devrait alors consulter la banque centrale américaine (Fed) et d'autres banques centrales pour d'éventuelles interventions sur le marché des changes.

Lundi, un groupe de 130 élus démocrates et républicains du Congrès ont appelé le secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, à stigmatiser la politique monétaire chinoise dans un rapport attendu le mois prochain.

Les élus du Congrès ont régulièrement dénoncé ces derniers temps la politique monétaire chinoise. Le Trésor s'est montré plus prudent sur la question.

Mardi, le premier ministre Wen Jiabao a implicitement dit que Pékin ne céderait pas face aux pressions croissantes des grands partenaires commerciaux de la Chine, États-Unis en tête. «Ce genre de pratiques n'est pas dans l'intérêt d'une réforme du régime du taux de change du renminbi» (monnaie du peuple), a-t-il dit.