La crise grecque contraint les pays de la zone euro à combler les lacunes des origines de leur Union monétaire, en créant un mécanisme de solidarité financière et en remettant sur le métier l'idée d'un gouvernement économique.

«Les règles qui gouvernent l'Union monétaire aujourd'hui sont les mêmes que celles qui ont été négociées en 1990. Donc, après 20 ans, il faut changer un peu l'approche de tout cela», estime Antonio Missiroli, analyste du European Policy Center.

Et le changement est spectaculaire. Lorsque le lancement de l'euro fut négocié, les Allemands et d'autres pays attachés à la discipline budgétaire, refusèrent d'autoriser dans les traités des mécanismes d'entraide financière entre pays.

Berlin refusait à l'époque de devoir payer les fins de mois difficiles des États du Sud considérés comme trop laxistes et qualifiés avec mépris de «pays du Club Med». L'euro a donc été lancé en 1999 avec une règle d'airain: chacun est seul responsable de ses comptes.

Un paradoxe puisqu'un pays membre de l'Union européenne, mais ne faisant pas partie de la zone euro, peut bénéficier de prêts européens en cas de difficultés financières - ce fut le cas de la Hongrie ou de la Lettonie récemment - mais pas un État utilisant la monnaie unique.

La crise budgétaire de la Grèce et les attaques spéculatives des marchés contre la zone euro ont changé la donne. Conscient des dangers de contagion, Berlin est désormais à la manoeuvre pour sauver Athènes de la faillite.

«L'attaque contre la Grèce est une attaque politique contre la zone euro, c'est clair. C'est une façon de chercher à tester sa capacité à se défendre», estime Antonio Missiroli.

«On avait exclu totalement les mécanismes de gestion de crise parce qu'on avait peur que cela crée de l'aléa moral (une prime aux mauvais élèves) et on est obligé de les réinventer en situation de crise», renchérit l'économiste Jean Pisani-Ferry de l'Institut Bruegel, spécialisé dans les questions européennes.

Plusieurs dirigeants socialistes européens, dont les premiers ministres grec et espagnols, ont aussi demandé un saut qualitatif. Il faut «faire en sorte que la zone euro ait les moyens internes d'éviter le risque de défaut» d'un pays membre, ont-ils dit dans un communiqué.

La crise grecque sert aussi d'aiguillon pour faire avancer le vieux projet de «gouvernement économique» en Europe.

Lors de la conception de l'euro, nombre d'experts s'étaient étonnés qu'on prenne le risque de lancer une monnaie commune à plusieurs pays sans s'assurer qu'ils mènent les mêmes politiques. Seul le pacte de stabilité européen fut mis en place pour surveiller les déficits.

L'idée, défendue depuis plus d'une décennie par la France, revient aujourd'hui au galop. Elle a fait l'objet d'un accord de principe jeudi des dirigeants de l'UE réunis à Bruxelles.

«Tout le monde est bien d'accord. C'est l'une des leçons de la crise, il y a besoin d'un gouvernement économique de l'Europe» piloté par les chefs d'État et de gouvernement, a déclaré le président français Nicolas Sarkozy.

Dans l'immédiat, il est seulement question d'une plus grande coordination des choix économiques à moyen terme, avec des investissements dans les nouvelles technologies, des primes financières du budget de l'UE aux bons élèves et une surveillance accrue des résultats.

Mais les avis divergent encore sur la suite. Certains prônent une Union budgétaire ou une convergence fiscale. D'autres la refusent et l'Allemagne reste méfiante: elle soupçonne Paris de vouloir toujours influer sur les décisions de taux d'intérêt de la Banque centrale européenne.