Au-dessus des immondices, surplombant une rue devenue un enchevêtrement tapageur de taxis et de bicyclettes, l'affiche domine: «Youth of Mumbai, join the revolution.» L'Indian Youth Congress, l'aile jeunesse du parti au pouvoir, le National Congress, compte 4 millions de membres. Mais devant le bidonville de Dharavi, cet appel à la révolution laisse songeur.

Ancienne capitale, nouvelle mégalopole. Le Bombay mystique de la période coloniale, devenu la plus grosse ville du pays, compte désormais de 18 à 20 millions d'habitants. Personne ne connaît le compte exact puisque des camions amenant des gens de la campagne s'y déversent tous les jours. La population du bidonville de Dharavi n'est pas davantage connue ; environ 1 million de personnes s'entassent dans ses rues. Les politiciens ne les font pas expulser, car cette population représente un vote déterminant pour eux.

Par les portes ouvertes des maisons, on distingue parfois des chèvres. Ici, un vieillard est assis sur un grabat permanent, sous un arbre. Là-bas, un enfant de quelques mois est assis, fesses nues, dans le gravier. Ses parents sont à ses côtés et regardent défiler les autos. Les vêtements sont souvent éclatants - le jaune, le vert et le rouge sont des couleurs chanceuses -, et les Indiennes ne s'en privent pas.

Les résidants du bidonville de Dharavi n'ont pas du tout apprécié le film Slumdog Millionnaire, nous explique notre guide, du consulat canadien. «Pour eux, c'était une représentation trop simpliste de leur vie.»

Malgré une pauvreté évidente, l'activité est partout présente dans le bidonville. L'Indien est un commerçant né, qui s'improvise vendeur de tout ce qu'il peut trouver; bidons d'essence vide, bouts de tuyaux, vitres dépareillées, tout est sur le trottoir, à côté du coiffeur en plein air, autre image folklorique du micro-entrepreneur indien.

Les grues aussi sont nombreuses. Souvent, on voit des échafaudages plantés à côté d'autres bien plus anciens, manifestement rouillés, qui n'ont jamais servi.

Des contrastes insoutenables attendent le visiteur. La plus abjecte pauvreté des bidonvilles côtoie le faste chromé des nouveaux immeubles. Néanmoins, il y a peu de mendiants à Bombay, et pas davantage de problèmes de sécurité. Un collègue de la radio obtiendra qu'une fillette lui chantonne quelque chose pour son topo. Après avoir offert son répertoire, la fillette tournera les talons, en souriant, sans attendre de sous.