Alors que le président français Nicolas Sarkozy plaidait en faveur de nouvelles réformes du secteur financier et que les grands banquiers mettaient en garde contre une réglementation trop accaparante, le premier ministre Stephen Harper a profité de sa première visite au sommet de Davos, pour prôner le modèle canadien.

«C'est essentiel d'avoir des systèmes de réglementation efficaces mais pas excessifs, c'est l'approche canadienne», a déclaré M. Harper lors d'un bref point de presse tenu en marge de l'assemblée annuelle du Forum économique mondial, qui s'est ouvert mercredi dans les Alpes suisses.

Le premier ministre a une fois de plus rappelé que le Canada avait été bien moins touché que d'autres pays par la crise financière mondiale qui a éclaté à l'automne 2008.

Dans le discours qu'il doit prononcer jeudi devant l'assemblée, M.  Harper entend «encourager» les pays membres du G20 à imiter le Canada en matière d'encadrement de l'industrie financière.

M. Sarkozy, qui a prononcé le discours d'ouverture du sommet de Davos, s'est montré beaucoup plus incisif. Non seulement a-t-il appuyé les propositions de réforme des banques récemment mises de l'avant par son homologue américain, Barack Obama, mais il a en outre réclamé un resserrement mondial de la réglementation des banques et des règles comptables, notamment en ce qui a trait à la capitalisation des institutions financières.

Les banquiers inquiets

De telles vélléités, on le devine, indisposent les banquiers, qui n'ont pas manqué de la faire savoir à Davos.

«Adoptons de bonnes règles, de meilleures règles, mais pas plus de règles», a ainsi martelé Peter Levene, le président du conseil d'administration de la banque britannique Lloyd's.

«Le retour du pendule est peut-être allé trop loin», a renchéri son homologue de la Deutsche Bank, Josef Ackermann.

«Des règles cohérentes et mondiales, qui placent tout le monde sur un pied d'égalité, sont absolument essentielles pour l'économie planétaire», a-t-il ajouté.

Peter Sands, chef de la direction de la banque britannique Standard Chartered, a fait remarquer que de grandes variations entre les règles en vigueur dans différents pays pourraient inciter les institutions financières à exploiter ces différences à leur avantage.

«Nous jouons très gros. Si nous échouons sur un aspect, nous finirons par étouffer la croissance. Et si nous échouons sur l'autre aspect, nous obtiendrons une nouvelle crise», a prévenu M. Sands.

Bien sûr, les banquiers ont tout intérêt à brandir le spectre d'un nouveau plongeon économique dans l'espoir d'éviter d'être scrutés davantage qu'ils le sont déjà. Mardi, le Fonds monétaire international a pressé les Etats à «soutenir la reprise là où elle n'est pas encore fermement enclenchée», craignant une rechute lorsque disparaîtront les mesures de stimulation mises en place par les gouvernements.

L'économiste Nouriel Roubini, devenu célèbre en prédisant la récente crise financière, est allé en sens inverse. Il a estimé que le projet de M. Obama, qui prévoit une limitation de la taille des banques américaines, était trop timide. Selon lui, il faut séparer les banques d'investissement des banques commerciales.

Le Québec

Interrogé par La Presse Canadienne sur les améliorations que Québec pourrait apporter à son système réglementaire, le premier ministre Jean Charest a soutenu qu'il n'y avait rien de prévu à court terme.

«On sera appelé à faire des changements d'une manière assez constante, a-t-il affirmé. Ceci dit, le point de départ est bon chez nous parce que nos institutions financières sont mieux capitalisées et mieux réglementées (qu'ailleurs dans le monde).»

Il a tenu à souligner que son gouvernement avait déjà resserré à plusieurs reprises les lois qui encadrent les marchés financiers et qu'il suivait la situation de près, notamment en ce qui a trait à la gouvernance des entreprises.

A son arrivée à Davos, M. Harper a participé à une table ronde avec huit dirigeants d'entreprises canadiennes et étrangères afin de les entendre sur la reprise économique et de les inciter à investir au pays. Il a également eu une rencontre bilatérale avec le premier ministre du Zimbabwe, Morgan Tsvangirai.

Outre MM. Harper et Sarkozy, le sommet de Davos accueille les présidents de l'Afrique du Sud, Jacob Zuma; du Brésil, Luiz Inacio Lula da Silva; et de la Corée du Sud, Lee Myung-bak; de même que le premier ministre espagnol, José Luis Zapatero.

Quelque 2500 leaders politiques, sociaux et économiques participent à l'événement, dont 1400 hauts dirigeants issus des plus grandes entreprises du monde.