L'émirat de Dubaï, en difficulté financière, a été sauvé in extremis lundi par son riche voisin pétrolier Abou Dhabi qui lui a octroyé une aide de 10 milliards de dollars dont une partie va payer la dette du géant immobilier Nakheel.

L'annonce de l'octroi de cette aide est intervenue le jour même de l'arrivée à maturité des obligations islamiques de Nakheel, alors que les milieux financiers craignaient un défaut de paiement.

La Bourse de Dubaï a réagi rapidement ouvrant sur une forte hausse de 10,10%, après avoir dégringolé à la suite de l'annonce le mois dernier des difficultés financières de l'émirat, alors que le marché d'Abou Dhabi était en hausse de 7%.

Abou Dhabi est la capitale et le membre le plus riche de la fédération des Émirats arabes unis, dont fait partie Dubaï, émirat touché par la crise financière après avoir connu un développement phénoménal en se transformant en quelques décennies d'un modeste port en une ville futuriste.

«Le gouvernement d'Abou Dhabi a accepté de fournir 10 milliards de dollars au Fonds de soutien financier de Dubaï, somme qui sera utilisée pour remplir une série d'obligations de Dubai World», le conglomérat public en difficulté dont Nakheel est une filiale, a annoncé un communiqué des autorités de Dubaï.

Le communiqué ne précise pas s'il s'agit d'un prêt ou d'un don.

Il a été publié par cheikh Ahmed ben Saïd Al-Maktoum, PDG d'Emirates Airlines et président du Comité fiscal suprême mis en place par l'émirat en juillet pour gérer l'impact de la crise financière mondiale.

Le gouvernement de Dubaï a «autorisé l'utilisation de 4,1 milliards de dollars pour payer les obligations islamiques (sukuk) venant à maturité aujourd'hui (lundi)», a ajouté le texte.

Les 5,9 milliards USD restants «serviront à payer les intérêts et les opérations de fonctionnement de Dubai World jusqu'au 30 avril 2010, à condition que le groupe mène avec succès les négociations sur un moratoire de sa dette comme annoncé auparavant», selon le communiqué.

Le 25 novembre, les autorités de Dubaï avaient demandé un moratoire de six mois sur la dette de son fleuron, Dubai World, semant la panique sur les marchés financiers, soucieux de la solvabilité du conglomérat dont la dette est évaluée à 59 milliards de dollars au total.

Cinq jours plus tard, Dubai World annonçait son intention de restructurer certaines des 10 compagnies le composant et renégocier avec les créanciers une dette de 26 milliards USD, dont celle de Nakheel, promoteur de certains des projets les plus audacieux de Dubaï dont une île artificielle en forme de palmier.

Dans leur communiqué, les autorités de Dubaï ont tenu à rassurer les créanciers de Dubaï, affirmant que cette ville demeurerait «un centre financier fort». Elles ont ajouté qu'elles annonceraient «un cadre juridique fondé sur les normes internationales (...) pour protéger les créanciers» à l'avenir.

«Cette annonce met fin à l'incertitude qui entourait les obligations immédiates de Nakheel, mais ne résout pas les problèmes de la dette de Dubaï», a estimé l'analyste Fahd Iqbal, de la banque régionale d'investissements EFP-Hermès.

«Nous continuons à voir le risque de nouveaux problèmes de dettes apparaître dans les mois et les trimestres prochains», a-t-il ajouté.

Abou Dhabi avait déjà secouru Dubaï, touchée il y a un an par la crise financière mondiale, alors que la dette publique de cette ville est estimée à quelque 100 milliards de dollars par l'agence de notation Moody's.

Pour faire face aux échéances de ses firmes, Dubaï avait émis des bons du trésor pour un montant de 20 milliards USD, dont la moitié a été souscrite en février par la banque centrale des Émirats arabes unis. Le 25 novembre, deux banques d'Abou Dhabi avaient souscrit à 5 milliards USD.

Des émirats rivaux mais solidaires

Membres d'une même fédération depuis 1971, Dubaï, cité marchande par excellence et Abou Dhabi, qui détient les plus grosses réserves pétrolières des Émirats arabes unis, sont solidaires en temps de crise en dépit de leur rivalité.

La réussite de la capitale économique Dubaï -dont les réserves d'or noir sont quasiment à sec- avait fait depuis quelques années de l'ombre à la capitale administrative des Émirats arabes unis Abou Dhabi qui produit plus de 90% du pétrole des Emirats.

Les autorités d'Abou Dhabi sont intervenues lundi in extremis pour tirer d'affaire Dubaï, lui octroyant une aide de 10 milliards de dollars dont une partie va payer la dette du géant immobilier Nakheel.

Dubaï, qui jouait un rôle commerçant dans la région depuis le début du siècle dernier, s'est transformé depuis la fin des années 70 d'un port tranquille en un géant économique régional parfois comparé aux «tigres» asiatiques.

L'émirat est devenu un centre d'affaires et financier, abritant diverses zones franches (notamment pour l'internet et les médias). Il a bâti son succès sur de nombreux projets pharaoniques, immobiliers comme touristiques.

Abou Dhabi pour sa part s'est lancé dans des investissements tous azimuts après la mort en novembre 2004 de son souverain, cheikh Zayed ben Sultan Al-Nahyane, également fondateur et premier président des Emirats.

Abou Dhabi a d'abord misé sur la culture et le tourisme haut de gamme en attirant, moyennant finance, la prestigieuse université française de La Sorbonne --qui a ouvert en 2006 une branche à Abou Dhabi-- puis le musée du Louvre dont l'ouverture est prévue en 2012, ainsi qu'un circuit de Formule 1.

Dubaï est l'émirat le plus peuplé de la fédération, alors qu'Abou Dhabi est le plus riche et le plus vaste. Les deux émirats sont les seuls à posséder le droit de veto au sujet des questions d'importance nationale au sein de la fédération de sept émirats.

Le souverain d'Abou Dhabi, cheikh Khalifa Ben Zayed Al-Nahyane, est le président de la fédération, alors que le souverain de Dubai, cheikh Mohammed ben Rached Al Maktoum, en est le vice-président et Premier ministre.

Jalouse de son autonomie, Dubaï dispose de son propre gouvernement dans lequel les ministères sont appelés départements.

Distantes de quelque 150 km, les deux villes ont eu des relations tendues au cours de leur histoire. En 1947, la région était un protectorat britannique une dispute frontalière a même dégénéré, avant l'intervention de la puissance tutélaire.

Rebond des Bourses de Dubaï et d'Abou Dhabi

Les Bourses de Dubaï et d'Abou Dhabi se sont envolées lundi, Dubaï établissant un record avec un bond de 10,37% tandis que Abou Dhabi a grimpé de 7,93%, sur fond de règlement de la dette du géant immobilier Nakheel grâce à une aide de 10 milliards de dollars consentie par Abou Dhabi.

La Bourse de Dubaï a terminé la séance sur une progression de 10,37%, un record historique sur ce marché, l'indice DFM s'téablissant à 1871,20 points, après avoir ouvert à 1866,91 points.

Tous les secteurs étaient dans le vert, emmenés par Emaar, un autre géant immobilier Emaar qui a engrangé près de 15%, le maximum autorisé durant une seule séance de cotation.

Les valeurs de l'immobilier ont été particulièrement recherchées, l'indice du secteur gagnant 14,74% sur la séance, dans un contexte toutefois d'échanges limités à quelque 117 millions de dollars.

A Abou Dhabi, l'autre marché financier des Émirats arabes unis, l'indice ADX a terminé la séance à 2.821,11 points, soit une progression de 7,93%. Tous les secteurs étaient également dans le vert, gagnant pour la plupart entre 6% et près de 10%.

En début de matinée, les autorités de Dubaï ont annoncé qu'elles allaient payer la dette de 4,1 milliards de dollars de Nakheel parvenant à maturité lundi, après avoir obtenu une aide de 10 milliards de dollars d'Abou Dhabi, le riche émirat pétrolier voisin.

Cette décision semble avoir dissipé les craintes des investisseurs, alarmés par le risque d'une insolvabilité de Dubai World, dont Nakheel est l'une de ses filiales, après l'annonce le 25 novembre d'une demande d'un moratoire de six mois sur une dette du conglomérat public de 26 milliards de dollars.

Cette annonce avait déprimé les marchés financiers aux Émirats et dans le Golfe, et semé pendant un moment la panique sur les principales financières dans le monde.