Jenny Jin et son mari cherchent à acheter un appartement depuis un an mais ont jusqu'à présent été effrayés par la hausse des prix de l'immobilier en Chine.

Pourtant ce couple de Shanghai, qui dépense un cinquième de ses revenus mensuels de 1 300 euros en loyer (2 000 dollars CAN), estime qu'il ne peut plus reculer: il attend un enfant pour février.

«Je n'ose plus vraiment dépenser pour autre chose avant d'avoir acheté un logement. C'est devenu une pression énorme», dit à l'AFP Jenny Jin, 29 ans, ingénieure informatique.

«Je me donnerais des claques de ne pas avoir acheté quand il fallait. Maintenant, la hausse des salaires ne rattrapera jamais la hausse des prix de l'immobilier», dit-elle.

En novembre, les prix de l'immobilier dans 70 villes de Chine ont progressé de 5,7% en glissement annuel, plus forte hausse en 16 mois et sixième mois consécutif d'augmentation.

Les prix et les ventes ont rebondi grâce à une politique mise en place depuis un an par les autorités pour faciliter le crédit, accorder des incitations fiscales, baisser le seuil du premier versement.

Certains s'inquiètent désormais d'une possible bulle immobilière, soupçonnant que des capitaux initialement destinés à des projets de relance de l'économie n'aient atterri dans l'immobilier à des fins spéculatives.

Par ricochet, des candidats à l'achat ont craint que les autorités ne mettent un terme aux mesures favorables l'année prochaine et se sont rués sur des acquisitions, contribuant à la hausse des prix.

Le gouvernement a d'ailleurs pris une première décision antispéculation au cours de la semaine écoulée, annonçant qu'à partir de janvier, tout appartement revendu moins de cinq ans après son achat serait taxé à 5,5% -- au lieu de deux années jusqu'à présent.

Pour le plus grand nombre, une acquisition immobilière engloutit les économies d'une vie, parfois celles des parents et même des grands-parents, sans pour autant leur éviter des années de crédit à rembourser.

«Si mes parents ne nous avaient pas aidés, nous n'aurions pas eu les moyens», dit Chris Zhang 31 ans, mère d'un bébé de neuf mois.

Zhang et son mari, qui vivaient avec les parents de la jeune femme, viennent d'acheter un petit deux-pièces subventionné par le gouvernement en banlieue de Pékin pour 40 000 euros (62 000 dollars CAN) - huit fois leurs revenus annuels.

Une récente étude de l'Association des médecins de Chine, auprès de trois millions d'employés de bureau, soulignait qu'un achat immobilier était la première cause d'anxiété pour la moitié des personnes interrogées.

57% des personnes ayant répondu à un sondage de Iyaya.com, un site ciblant les jeunes parents, estiment aussi que «posséder une maison n'apporte pas forcément le bonheur, mais ne pas en avoir est synonyme de malheur».

La chasse à l'appartement est même devenue le sujet d'une série télévisée, adaptée d'un roman qui est numéro un des ventes dans le pays et raconte les aventures d'une jeune femme devenant la maîtresse d'un responsable officiel afin d'aider sa soeur à acheter une maison. Le thème a fait naître un débat sur ce que les gens seraient prêts à sacrifier pour la cause immobilière.

Sujet sensible dans un pays où plus d'une fiancée exige du futur mari de devenir propriétaire.

Si le gouvernement semble décidé à freiner les achats immobiliers spéculatifs, nul n'attend de mesures extrêmes qui entraveraient la croissance d'un secteur vital pour la troisième économie de la planète.

«La demande pour les exportations chinoises devrait décevoir l'année prochaine, et il y a des limites aux mesures de relance. Il est possible que l'on s'appuie beaucoup sur le secteur immobilier pour engendrer de la croissance, augmentant les risques de bulle», estime Ben Simpfendorfer, économiste à Hong Kong de Royal Bank of Scotland, dans une note.