Le premier ministre Jean Charest a signé une entente de coopération entre le Québec et Moscou, dans l'espoir d'accentuer une relation d'affaires marquée de hauts et de bas avec la Russie.

Il a ratifié cet accord avec le maire Iouri Loujkov hier, alors qu'il venait à peine d'entreprendre la première mission économique québécoise sur ce territoire parsemé d'embûches, mais offrant plusieurs occasions, notamment en raison des besoins en matière d'infrastructures et de technologie.

D'entrée de jeu, en recevant le premier ministre Charest dans son hôtel de ville, le maire Loujkov a fait comprendre à son interlocuteur l'importance d'entretenir des liens politiques pour favoriser les échanges économiques entre les deux peuples.

Ainsi, le vétéran politicien ne s'est pas gêné pour décocher une flèche à l'endroit du maire de la métropole, Gérald Tremblay.

«Nos relations avec Montréal sont au ralenti. J'ai invité le maire de Montréal à venir ici, mais il n'a pas donné suite à ma demande», a dit M. Loujkov, en faisant la moue.

«Je représente aussi le maire de Montréal et si vous voulez que je revienne, votre invitation ne demeurera pas lettre morte», a assuré M. Charest, en cherchant à détendre l'atmosphère.

Au cours d'une rencontre officielle au ton d'abord austère, à laquelle les médias québécois ont exceptionnellement pu assister, Jean Charest a réussi à faire rigoler son vis-à-vis en signalant la présence de la photographe Heidi Hollinger.

«Ses photos des politiciens russes sont plus populaires que celles de moi», a lancé M. Charest en feignant la déception.

«C'est parce qu'elle préfère immortaliser les politiciens qui n'ont pas de cheveux», a répliqué le maire chauve, soudainement enclin à rire.

Le premier ministre du Québec a aussi eu l'occasion de s'entretenir en privé avec le vice-premier ministre de Russie, Viktor Zubkov.

Les gens d'affaires québécois qui accompagnent M. Charest l'ont louangé dans les coulisses pour son initiative, estimant que cette mission en sol russe permettrait d'y poursuivre une difficile percée.

«La relation personnelle est importante. Il faut venir ici, convaincre d'abord les politiciens, en leur témoignant à la fois notre respect et notre intérêt, puis les gens d'affaires russes vont suivre par la suite», a indiqué Nathan Hunt, président de l'Association d'affaires Canada-Russie-Eurasie.

«Tous les politiciens devraient suivre son exemple», a-t-il ajouté, en faisant référence au premier ministre du Canada, Stephen Harper, qui n'a pas encore mené une telle mission en Russie.

Malgré les nombreuses possibilités d'affaires intéressantes pour les entreprises québécoises, Jean Charest reconnaît que ce marché demeure encore difficile à conquérir, notamment en raison de la corruption et de la lourdeur administrative qui caractérisent la Russie.

«On est très conscients de ça. C'est pourquoi nous abordons la relation en y allant un pas à la fois, sur une longue perspective, en tenant pour acquis que ce type de problème va s'estomper avec le temps. Mais il faut reconnaître le potentiel aussi», a expliqué le premier ministre.

Au cours de la rencontre, le maire Loujkov avait cherché à contrecarrer cette image, en soutenant qu'aucune entreprise étrangère ayant fait affaires avec sa ville depuis 20 ans «n'avait perdu son argent».

Par ailleurs, la relation d'affaires avec la Russie offre son lot de paradoxes, puisque le géant Bombardier y vend des motoneiges depuis de nombreuses années, tout en se voyant refuser la certification de ses avions.

Des entreprises québécoises prenant part à la mission en ont déjà profité pour signer des ententes avec des partenaires russes, dont Advantech et MDA.

La déclaration politique de coopération commune, signée par Jean Charest et Iouri Loujkov, exprime quant à elle le désir d'accroître la collaboration aux chapitres de l'économie, de la culture et de l'éducation.

Afin d'éviter que cette initiative ne tombe dans l'oubli, les deux parties ont annoncé la création d'une commission mixte permanente «Moscou-Québec».

Les membres de cette commission se réuniront annuellement en alternant entre Québec et Moscou, afin d'établir les modalités de réalisation et de financement de projets communs.

Plus tôt dans la journée, le premier ministre a prononcé une courte allocution dans le cadre d'un forum international sur la modernisation de la Russie.