Après avoir livré bataille contre la récession, les pays riches devront panser une autre plaie ouverte par la crise: l'explosion sans précédent de la dette publique qui pourrait mettre en péril leur stabilité.

Un seuil symbolique sera bientôt atteint. Selon l'OCDE, les 30 pays les plus avancés du globe verront leur dette grimper jusqu'à 100% de leur richesse produite en 2010, signalant le quasi-doublement de leur endettement en 20 ans.

Le Japon verrait sa dette publique flirter avec les 200% de son produit intérieur brut (PIB) suivi par l'Italie (127,3%), selon  ces prévisions.

Au niveau mondial, la dette publique devrait avoir gonflé de près de 45% entre 2007 et 2010, soit une hausse de 15 300 milliards de dollars qui représente plus de 100 fois le coût du Plan Marshall lancé après-guerre par les États-Unis pour aider à la reconstruction de l'Europe, selon l'agence Moody's.

Les causes de cette flambée sont connues -chute des recettes fiscales liée à la récession, flambée des dépenses publiques pour soutenir l'économie- mais ses conséquences le sont moins.

«Une dette à 100% du PIB signifie que tout ce qui a été produit pendant un an devrait être consacré au remboursement. Les gouvernements sont-ils en situation de le faire?» s'interroge Cinzia Alcidi, du Centre for European Policy Studies.

La question n'est pas purement rhétorique. Si les marchés venaient à douter de la capacité de remboursement des États développés, ils pourraient se détourner de leurs titres publics (bons du Trésor...) et assécher leur circuit d'approvisionnement en argent frais.

«Si la dette continue à grimper, on peut très bien imaginer qu'un pays ait du mal à se financer», observe Jean Pisani-Ferry, du centre d'études Bruegel.

Sans aller jusqu'au scénario noir de la faillite d'un État, comme l'Argentine fin 2001, cette défiance des marchés aurait un coût.

«Si l'endettement se poursuivait, cela pourrait à terme être négatif» pour la bonne notation des États développés, qui leur permet d'emprunter à taux réduits, prévient Brian Coulton, de l'agence Fitch.

Un cercle vicieux pourrait s'enclencher. Contraints de relever les intérêts qu'ils payent à leurs créanciers, les États verraient la charge de la dette s'alourdir et pourraient s'endetter de nouveau pour y faire face. «C'est cela qui rend la dette explosive», souligne l'économiste Michel Aglietta.

Selon un «scénario extrême» de la Société Générale, l'endettement pourrait même provoquer «une nouvelle récession».

Et face à cette situation, les solutions ne sont pas légion.

Sur le papier, le retour de la croissance permettrait de réduire les déficits et le recours à l'emprunt public, mais cette éventualité est «très incertaine» en raison de la timidité de la reprise, selon Brian Coulton.

Traditionnellement, l'inflation permet d'alléger la valeur relative de la dette dès lors que les prix progressent plus vite que les taux d'intérêt.

Mais cette voie revient à rogner sur le pouvoir d'achat des ménages et peut provoquer «une fuite des capitaux privés vers les pays les moins inflationnistes», selon Michel Aglietta.

La solution de rechange semble donc réduite. «Il faudra augmenter les impôts ou couper dans les dépenses publiques», résume Jean Pisani-Ferry. Et il faudra choisir le bon moment pour le faire pour ne pas étouffer la reprise.

Selon Michel Aglietta, l'heure est aujourd'hui à rassurer les marchés en indiquant «à l'avance les réductions de dépenses et augmentations d'impôts» que les États envisagent à l'avenir.

Et pour le moment, une certaine confusion domine: l'Allemagne songe à baisser les impôts, l'Espagne se prépare à les augmenter, tandis que la France exclut toute hausse des prélèvements.