Le Big Mac aura bientôt sa place au Louvre, n'en déplaise aux amateurs intransigeants de culture et de gastronomie qui voient dans cette avancée du géant de la restauration rapide une hérésie.

Les responsables du prestigieux musée ont récemment approuvé l'installation dans leurs murs d'une succursale de l'entreprise, en pleine expansion en France.

«Henri Loyrette, président du Musée du Louvre... n'avait qu'un mot à dire pour empêcher que des effluves de frites flottent jusque sous le nez de la Joconde», déplore Louvre pour tous, une organisation locale qui se donne pour mandat de défendre les usagers des musées nationaux.

Dans les faits, les admirateurs du célèbre tableau de Léonard de Vinci ne risquent guère d'être perturbés puisque la succursale de McDonald's sera installée dans le Carrousel du Louvre, un centre commercial adjacent au hall d'accueil du musée situé sous la célèbre pyramide de verre de l'architecte Ming Pei.

Ouvert en 1994, l'endroit ne devait initialement accueillir que des «boutiques de luxe ou à vocation culturelle», mais les critères ont graduellement été assouplis. Le Carrousel compte déjà plusieurs établissements de restauration, concentrée sur une mezzanine où les travaux vont bon train.

Hier, un entrepreneur qui dit avoir refait les cuisines de plusieurs succursales de McDonald's a indiqué à La Presse qu'il ne voyait rien à redire à l'installation prochaine du géant américain au Louvre.

«Il y en a partout en France, plus de 1200 en fait. Il y en a même un sur les Champs-Elysées. Alors pourquoi pas ici?» a indiqué l'homme, qui n'a pas voulu donner son nom.

Madeleine, qui travaille dans l'une des boutiques du Carrousel, ne cachait pas pour sa part son scepticisme face à l'arrivée de McDonald's.

«Le Louvre, c'est plus important, ça a plus de valeur que McDo. Ça n'a pas la même classe», a expliqué la dame, qui n'a pas voulu donner son identité complète par crainte de froisser les exploitants du centre commercial.

Les dirigeants du musée assurent de leur côté que le restaurateur s'est engagé à aménager une succursale «de qualité» compatible avec l'image de marque de leur établissement, l'un des lieux culturels les plus fréquentés de la planète.

Malgré les protestations enregistrées ici et là dans les médias, l'annonce de l'arrivée de McDonald's au Louvre n'a pas suscité de vaste mouvement de protestation en France. Les médias ont pratiquement accordé plus d'attention à la manière dont les journaux étrangers ont traité la nouvelle, jugeant leurs superlatifs exagérés.

Le quotidien Le Figaro, en annonçant la nouvelle, avait prédit qu'elle ne ferait guère de vagues, parce que l'entreprise s'est «si bien adaptée» aux moeurs hexagonales.

Comme elle l'a fait à plusieurs autres endroits, la firme a procédé à plusieurs ajustements pour tenir compte des sensibilités locales. Le menu a notamment été modifié pour inclure plus de fruits et de légumes ainsi que des desserts de qualité. Des investissements majeurs ont été faits pour rendre les locaux plus conviviaux.

Le réseau de restaurants est largement alimenté par des fournisseurs nationaux, s'assurant du coup de bons échos dans le monde agricole, très influent.

Dans une récente entrevue au quotidien économique Les Échos, le PDG de McDonald's, Jim Skinner, a indiqué que la France était aujourd'hui le second marché en importance de la planète pour l'entreprise, qui y ajoute chaque année une trentaine de succursales.

«La France... est en tête en Europe. Les dirigeants français n'ont pas besoin de moi, tout va extrêmement bien sur ce marché!» a-t-il souligné.

La partie n'était pas gagnée d'avance pour la firme américaine, qui a longtemps été dans le collimateur des mouvements écologistes et altermondialistes français.

Le mouvement avait atteint son paroxysme en 1999 lorsque le leader de la Confédération paysanne, José Bové, a saccagé un McDonald's de Millau, en Aveyron, pour dénoncer McDonald's comme «symbole de la malbouffe et de l'agriculture industrielle».

L'établissement, rendu célèbre par l'action des militants, est aujourd'hui l'un des plus fréquentés du pays.