La décision de la Norvège de relever ses taux d'intérêt devrait rester «un cas isolé» et n'augure pas de resserrement imminent de la politique monétaire en Europe ou aux États-Unis, selon plusieurs experts.

Pionnière sur le Vieux Continent, la banque centrale norvégienne a relevé mercredi son taux folio (dépôts à vue) de 0,25 point, à 1,50%, arguant d'un redémarrage «plus rapide que prévu» de l'économie de ce pays assis sur un confortable matelas de pétro-dollars.

À l'heure où de nombreux taux d'intérêt ont été ramenés à leur plus bas étiage pour éviter l'asséchement du crédit, la décision norvégienne prend du relief. Seuls Israël (fin août) et l'Australie (début octobre) se sont engagés sur une voie pour l'heure totalement désertée par les principales économies du globe.

«Cette décision n'est pas anodine et vient s'ajouter à plusieurs signaux positifs sur la reprise» économique, analyse Jean-François Robin, stratégiste chez Natixis. «Mais ce cas devrait rester isolé. On ne peut pas calquer les comportements des banques centrales les unes sur les autres.»

En clair, ce qui est vrai pour la Norvège ne l'est pas nécessairement pour l'ensemble des pays industrialisés. Revigoré par la remontée des cours du pétrole, le pays - non-membre de l'Union européenne - table sur une croissance robuste l'année prochaine (+2,1%), comparé aux timides reprises prévues chez ses partenaires, et son taux de chômage actuel (2,7%) doit faire pâlir d'envie bien des chancelleries occidentales.

Du coup, l'inflation menace bien davantage la Norvège que la croissance atone et le chômage de masse qui guettent, eux, la plupart des économies occidentales, États-Unis et Union européenne en tête.

«Washington et Francfort (siège de la Banque centrale européenne) n'ont aucune raison de réagir à la décision norvégienne, soutient Cédric Tille, de l'Institut des Hautes études internationales de Genève: l'inflation reste très basse et l'activité économique très fragile» dans ces deux zones.

En relevant leurs taux dès maintenant et en renchérissant ainsi le «coût» de l'argent, la Réserve fédérale américaine (Fed) et la BCE prendraient le risque d'assécher le crédit, d'étouffer le redémarrage de l'activité et de compromettre la reprise tant attendue de la consommation des ménages.

La Fed a récemment laissé entendre qu'elle ne touchera à son taux directeur, compris depuis décembre entre 0 à 0,25%, qu'au moment où les perspectives économiques s'amélioreront «suffisamment».

Constatant qu'une poussée d'inflation - sa bête noire - n'était pas à l'ordre du jour, la BCE semble, elle aussi, s'être engagée dans une longue période de statu quo monétaire avec un taux directeur à 1%, un plus bas historique.

«Avant de remonter leurs taux, les Banques centrales cesseront sans doute leurs opérations non-conventionnelles (dont les achats d'obligations d'État, ndlr) et réduiront la masse d'argent injectée dans le circuit monétaire», assure M. Robin.

Si elle ne devrait pas faire tache d'huile, la décision norvégienne pourrait toutefois «ouvrir le débat» sur le faible niveau des taux, estime Christian Saint-Etienne, enseignant à La Sorbonne.

Selon lui, le faible coût de l'argent «alimente des déséquilibres de l'économie mondiale» en poussant à l'endettement et en favorisant certaines techniques spéculatives. L'une d'elles, le «carry trade», qui consiste pour un investisseur à emprunter des dollars dans le seul but d'acheter une monnaie à plus fort rendement, fait ainsi florès sur les marchés de changes.

«Les États-Unis pourraient se rendre compte que leurs faibles taux présente plus d'inconvénients que d'avantages», argumente-t-il.