«Dans 40 ans, vous n'allez pas vendre aux Chinois, vous n'allez pas vendre aux Indiens. Le nouveau marché, c'est nous. Le plus jeune marché du globe, c'est nous. Le marché où il y a tout à faire, c'est nous.»

Non, ce n'est pas le président de l'Indonésie qui parle. Ni celui du Brésil, du Mexique ou de la Turquie - tous des pays sur lesquels parient les analystes pour devenir «la nouvelle Chine».

Ces mots ont été martelés avec une passion hors du commun hier devant un parterre montréalais par Alpha Oumar Konaré, ancien président du Mali et de la Commission de l'Union africaine.

Et le marché dont il parle, c'est l'Afrique - ce continent négligé qui, sauf pour ses ressources naturelles, passe encore largement sous le radar des investisseurs.

Si M. Konaré parle de l'Afrique plutôt que de son pays, le Mali, ou même de l'Afrique de l'Ouest (une région dont il a présidé plusieurs institutions), «ce n'est pas un effet de style», a averti l'ancien politicien invité dans le cadre du forum Africa 2009.

M. Konaré a fondé au début de l'année le Mouvement pour les États-Unis d'Afrique. Son rêve: créer un état fédéral africain qui regrouperait tous les pays du continent, les nations arabes comme celles de l'Afrique noire.

«Il faut que l'Afrique soit intégrée à l'économie mondiale. Nous savons que nous avons besoin des autres, et que les autres ont besoin de nous», a-t-il d'abord établi.

Mais cela se fera à une condition.

«L'Afrique doit être unie. L'Afrique, avant d'être intégrée au reste du monde, doit être elle-même davantage intégrée.»

Pourquoi? À cause de la force de frappe qu'elle aurait si ses 53 pays se mettaient ensemble, a répondu en essence M. Konaré.

Prendre l'Afrique comme un tout, a plaidé celui qui a dirigé le Mali pendant 10 ans, c'est regarder un territoire 3,5 fois plus vaste que les États-Unis et 6 fois gros comme l'Union européenne. Un territoire où vivront au moins 1,8 milliard d'êtres humains d'ici 40 ans.

«Dans 40 ans, un homme sur quatre sera africain, a dit M. Konaré. Notre Afrique, il faut le dire, est une puissance démographique. C'est ça, la force. Et la richesse, nous l'avons», a dit M. Konaré, rappelant que son continent renferme une large part des ressources minières de la planète et aurait tout pour s'imposer comme une puissance agricole.

Pourquoi un tel potentiel est-il aujourd'hui sous-exploité? M. Konaré a indiqué le passé colonial, les subventions versées par les pays riches qui atteignent «16 fois l'aide au développement», les privatisations qui ont affaibli les États, le «néolibéralisme où les dimensions sociales ne sont pas présentes».

Mais les problèmes qui accablent actuellement l'Afrique «ne sont pas une fatalité», a dit M. Konaré. Et une Afrique unie augmenterait à la fois son poids politique... et son poids économique.