La crise a redessiné la carte de l'économie du monde au profit des pays émergents, comme la Chine, mais les experts doutent de la capacité de ce pays à tirer à lui seul la croissance mondiale.

«La crise a acceléré le mouvement de l'Ouest vers l'Est» de l'économie mondiale, a résumé Niall Ferguson, professeur à la Harvard Business School, lors d'un débat organisé par la BBC à Istanbul, en marge des assemblées générales du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. «Les prévisions récentes montrent que la Chine et l'Inde ont aidé à sortir l'économie mondiale de la récession», a remarqué de son côté le président de la Banque mondiale Robert Zoellick, soulignant qu'un tel monde plus équilibré, c'est-à-dire moins dépendant du consommateur américain, serait aussi plus «stable».

La consommation aux États-Unis représente les deux tiers de l'activité de ce pays, qui reste, et de loin, la première économie de la planète. En 2008, les États-Unis ont représenté 13,2% des importations mondiales, d'après l'Organisation mondiale du commerce.

Selon le FMI, les économies en développement vont connaître en 2010 une croissance beaucoup plus forte (5,1%) que les pays développés (1,3%). Celle de l'Asie en développement (7,3%) contrasterait avec celle des États-Unis (1,5%), du Japon (1,7%) et surtout de la zone euro (0,3%).

Parmi les grandes économies, la Chine (9,0%) restera championne du monde de la croissance, devant l'Inde (6,4%). En queue de peloton, on retrouverait uniquement des pays de la zone euro, dont l'Espagne, l'Italie ou l'Allemagne.

Dans ce contexte, il est clair que «le moteur américain n'est plus aussi puissant qu'auparavant», a remarqué le directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn. «Les économies émergentes sont en train de devenir de plus en plus les vrais partenaires», a-t-il ajouté.

Ce rééquilibrage de l'économie mondiale, que le FMI appelle de ses voeux, ne va pas sans interrogations. Le consommateur chinois peut-il remplacer son homologue américain et tirer par exemple la croissance européenne? Rien n'est moins sûr, selon les experts du FMI.

En Europe, «la reprise reste sur les épaules des consommateurs européens», a assuré le directeur du département Europe du FMI, Marek Belka. Or, les pays riches restent plombés par le poids de leur dette publique qui pourrait atteindre à l'horizon 2014 quelque 110% de leur produit intérieur brut (PIB), a averti l'économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard.

Et pour en finir avec ces déficits publics, il est impératif que les consommateurs prennent le relais de l'État pour conforter la reprise. Mais, avec une population âgée et des coûts croissants dans les dépenses de santé, les pays riches sont face à de véritables défis, a averti M. Blanchard.

Le rééquilibrage de l'économie mondiale est déjà réalité, a souligné M. Strauss-Kahn. En Amérique latine, les économistes du FMI remarquent que la crise a surtout frappé les pays plus dépendants de l'économie américaine, à l'instar du Mexique, et moins ceux ayant des liens étroits avec la Chine comme le Brésil.

«S'il n'y avait pas eu la Chine, nous n'aurions pas vu de croissance positive au deuxième trimestre au Brésil», a remarqué Ilan Goldfajn, économiste en chef de la banque brésilienne Itau Unibanco.

Ce rééquilibrage est aussi devenu réalité dans l'arène politique mondiale au profit par exemple du G20, qui regroupe pays riches et émergents, dont la Chine, l'Inde ou le Brésil, intronisé principale enceinte de la coopération économique internationale.