Les pays émergents, avec en tête la Chine, l'Inde, le Brésil et bien d'autres, auront dorénavant droit de cité au chapitre de la gouvernance économique mondiale, au même titre notamment que les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne et le Canada.

Concluant le troisième sommet du G20 en moins d'un an, hier à Pittsburgh, en Pennsylvanie, les dirigeants des principaux pays industrialisés et émergents ont convenu de faire de cette nouvelle tribune le principal forum économique international, supplantant le G8, qui ne laissait la place qu'aux pays riches. Pour le premier ministre canadien, Stephen Harper, la nouvelle réalité internationale rendait ce changement incontournable. «Nous avons maintenant une vraie économie mondiale, a-t-il dit à l'issue du sommet de deux jours. L'époque où on pouvait discuter des enjeux économiques cruciaux seulement entre pays développés est révolue.»

«On sait, par l'expérience historique, que les marchés ont besoin de gouvernance, de règles, de transparence. On est en train de créer un tel système, qui a la fin de cette récession, va nous donner un monde tout à fait différent», a ajouté M. Harper, jugeant que la présence des pays émergents dans la prise de décision était une question d'efficacité.

Les participants au sommet se sont engagés, dans une déclaration commune, à établir des règles strictes de gouvernance des banques et autres institutions économiques, mais aussi des grandes organisations financières internationales, pour assurer une croissance viable et équilibrée de l'économie et éviter que ne se reproduise une crise de l'ampleur de celle qui a frappé l'ensemble de la planète dans la dernière année.

Le premier ministre canadien a toutefois estimé que le G8 avait toujours sa place dans l'échiquier international, étant un forum plus intime. «Ce serait insensé de ma part de nier que de faire partie d'un groupe de 20 plutôt que d'un groupe de 8 va changer la dynamique», a souligné M. Harper, interrogé à savoir s'il craignait que la voix du Canada soit diluée dans un plus grand forum.

Le Canada, à court terme, ressort de l'exercice de Pittsburgh avec beaucoup de visibilité, puisqu'il sera maintenant l'hôte d'un prochain sommet du G20, en parallèle à celui du G8 organisé dans la petite municipalité de Huntsville, en Ontario, en juin 2010.

«Mais à long terme, le Canada devra trouver des moyens de se démarquer, ayant maintenant davantage de pays avec qui il sera en compétition», a indiqué Andrew Cooper, directeur associé au Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale, pour qui les pays émergents ont obtenu, hier, une «grande victoire».

Changements climatiques

La grande perdante de cette avancée «historique», selon M. Cooper, pourrait bien être l'ONU, à qui les grandes puissances ont pour ainsi dire délégué l'issue des négociations visant à conclure une entente sur la lutte contre les changements climatiques à la Conférence de Copenhague, en décembre prochain.

La déclaration finale de ce sommet contient en effet bien peu d'engagements concrets pour l'environnement, si ce n'est de la promesse de «n'épargner aucun effort pour parvenir à un accord dans les négociations de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques».

«Malheureusement, la déclaration d'aujourd'hui du G20 ne contient rien pour faire avancer les pourparlers sur l'enjeu fondamental du soutien financier pour aider les pays plus pauvres à s'attaquer aux changements climatiques», a déploré Claire Demerse, directrice associée du programme sur les changements climatiques à l'Institut Pembina.

L'impasse persiste entre pays riches et pauvres sur la question, à deux mois du sommet qui doit déboucher sur une entente internationale pour encadrer les réductions d'émissions de gaz à effet de serre après 2012, année où se terminent les engagements contenus dans le Protocole de Kyoto.

Manifestations

Les leaders mondiaux étaient attendus de pied ferme. Comme c'est souvent le cas à l'occasion de grands sommets internationaux, de nombreuses manifestations se sont déroulées dans la ville de l'acier. Hier, une marche pacifique a rassemblé plus de 4000 personnes dans les rues de Pittsburgh, selon les services de police. La veille, une manifestation en après-midi, et une autre pendant la nuit, avaient mené à l'arrestation d'une soixantaine de personnes, selon les médias locaux. Les manifestants, la plupart dénonçant le capitalisme, certains arborant le symbole de groupes anarchistes, ont causé du grabuge surtout dans des quartiers à l'est du centre-ville.