Quelle différence y a-t-il entre l'Irlande et l'Islande? Une lettre et six mois de décalage.

La blague revient régulièrement dans les cercles financiers irlandais, qui craignent de voir leur pays suivre la même voie catastrophique que le petit pays nordique. Le gouvernement islandais a dû nationaliser en catastrophe à la fin de l'année dernière les trois principales banques du pays pour les sauver de la banqueroute, se portant garant de dettes représentant plusieurs fois le Produit national brut. Du coup, c'est l'État lui-même qui vivote depuis un an au bord du gouffre, ne réussissant à surnager qu'avec un prêt d'urgence du Fonds monétaire international, une situation inusitée pour une économie occidentale.

En Irlande, la situation n'est pas si différente, selon l'économiste Morgan Kelly, qui prédit le pire à ses concitoyens.

La décision de Dublin de racheter pour près de 80 milliards d'euros les actifs pourris des banques irlandaises, qui s'ajoutent aux garanties déjà annoncées, coûtera, à terme, des dizaines de milliards qui pourraient compromettre la viabilité financière de l'État lui-même, prévient-il.

«Dix milliards de plus (à payer) par ici, dix milliards de plus par là et voilà que vous vous retrouvez face à une situation de banqueroute nationale», écrit-il dans une lettre ouverte parue il y a quelques semaines dans le Irish Times.

D'autres économistes jugent «alarmistes» les prédictions de M. Kelly, qui est parfois appelé «Dr La Mort» dans les médias.

Ils font remarquer que la dette nationale de l'Irlande demeure pour l'instant d'une taille raisonnable. Et que le secteur bancaire, malgré sa forte croissance, n'a jamais atteint l'importance démesurée des établissements islandais par rapport à l'économie nationale.

À défaut de plonger aussi loin que l'Islande, l'Irlande pourrait bien imiter le pays sur un autre point: le changement de gouvernement.

À Reykjavik, le gouvernement conservateur qui avait chapeauté les années de laisser-aller ayant mené à la crise, a fini par démissionner sous la pression populaire, cédant la place à une coalition dirigée par une alliance sociale-démocrate.

À Dublin, la pression va croissante sur le gouvernement du premier ministre Brian Cowen, qui s'engage en terrain glissant en entreprenant une nouvelle ronde de compressions.

«Ça ne prend pas un génie pour comprendre que la colère monte chez les gens», commente Kieran Allen, un sociologue très critique des orientations économiques de Dublin.

La revue The Economist prévient, dans la même veine, que la probabilité de voir le gouvernement irlandais tomber «est en train d'augmenter» sensiblement.